n° 95

Vendredi 10 août 2018

La revanche des symplocarpes fétides

Avant de savoir quelle est la vraie teinte du monde…

Assis sur les fausses ruines du Récantou, jeudi matin, Romain Bertrand parle de son expérience de chercheur : historien, spécialiste des dominations coloniales européennes en Asie, il s’est aperçu, en travaillant sur les textes d’Alfred Russel Wallace ou du baron von Humboldt, qu’on avait perdu l’extraordinaire richesse du vocabulaire qui permettait dans la première moitié du vingtième siècle de décrire la nature, un sous-bois de vert humide, les ligneux d’une mangrove…  Il travaille sur les mots qui désormais nous manquent pour dire le monde. La logique aurait voulu qu’au contraire, le progrès des connaissances nourrisse l’enrichissement de cette langue inventive et poétique, littéraire, d’une exigeante précision, construite en tension entre le langage des arts et celui des sciences. C’était ça ce génie propre. Goethe et son traité des couleurs, Wermer et son nuancier, Darwin et ses annélides ou ses larves vermiformes… On faisait alors, dans les livres, son ordinaire de calamars bruns noisette…

C’est ce génie singulier né du dialogue des sciences et des arts qui a disparu. Les sciences ne s’intéressent plus trop à l’art, et inversement. 

Comment dire alors la nature ? C’est à quoi travaille Romain Bertrand et quelques uns de ses amis. Tout le monde sait ça : ce qui n’est pas exactement nommé n’existe pas. 

Alors merci à lui de remettre sur l’ouvrage estrans et pneumatophores, périophtalmes et nasiques, avant de savoir enfin quelle est la vraie teinte du monde…

aujourd'hui vendredi

9h15 : Rebonds (Café du Récantou, à la Porte d’eau) avec Georges Mouamar

9h30 : Atelier cinéma par Jean-Louis Comolli et Jean Narboni (Salle des fêtes). Avec la participation de Jean-Claude Milner.

10h : Atelier de littérature et civilisation grecques par Dominique Larroque (École du village)

11h : Atelier de philosophie par Françoise Valon (Chapiteau des jardins de l’abbaye)

12h30 : Conversations sur l’histoire par Patrick Boucheron (Place de la halle)

14h30 : Atelier lecture, par Mélanie Traversier (Boulangerie des moines)

16h : Emanuele Coccia, « Alimentation, réincarnation, politique » (Chapiteau des jardins de l’abbaye)

17h45 : La Criée Riboulet, avec Marielle Macé (Librairie du Banquet)

18h : Sébastien Thiéry et Marielle Macé, « Faire connaissance » (Chapiteau des jardins de l’abbaye)

 

21h30 : Lecture publique

Avec les participants de l’atelier lecture animé toute la semaine par Mélanie Traversier.

Voici la bibliographie des textes proposés.

 

16h42 : extrait

GEORGES MOUAMAR

Georges Mouamar est archéologue, syrien, et professeur à l’Université de Lyon. Il nous a parlé de la difficulté qu’il y avait, pour un chercheur qui travaille sur l’histoire de son pays, d’en être radicalement éloigné, et de la nécessité qu’il y avait pourtant de poursuivre ces travaux, en responsabilité aussi pour ses compagnons d’exil…

La Criée Riboulet

Tous les jours, dans la librairie du Banquet, à 17h45 précises, un des invités du Banquet vient, à la Criée, vanter les mérites uniques d’un livre, et persuader les gens de se plonger dans sa lecture. Cette année, ce sont les livres de Mathieu Riboulet qui sont en vedette. Mercredi, Christophe Pradeau faisait l’éloge des Œuvres de miséricorde, paru en 2012 aux éditions Verdier…

Grande soirée avec Mathieu Riboulet, dont les textes ont été lus hier soir par Marie-Hélène Lafon et Serge Renko. Une présence littéraire et humaine émouvante, pleine de la langue forte et singulière, engagée, de Mathieu Riboulet.  » Ne jamais se dérober à la douleur du monde, mais toujours l’affronter avec sa joie intérieure « 

« Mathieu Riboulet, écrivain », le très beau film de Sylvie Blum, produit par l’INA et France 3, a été diffusé hier soir devant quatre cent personnes.

Variations sur la confusion 6

par Gilles Hanus

On ne sort pas aisément de la confusion ; toutes les tentatives que nous mettons en œuvre pour la dissiper ne produisent de clarté qu’éphémère : mise en récit, croyance, rationalisation, concept, système philosophique, œuvre d’art secrètent toujours, au moment même où ils semblent nous aider à nous repérer, leurs propres limitations et leurs effets de confusion.
C’est que la confusion n’est pas seulement un état, ni le résultat de circonstances, elle est une force qui dissout ou fige. Elle est active, il faut l’entendre comme l’acte par lequel la possibilité même de faire sens s’échappe ou s’évanouit, sans cesse. Il importe dès lors de s’efforcer de toujours revenir à ce que Lévinas appelait les « forces vives » afin d’y puiser de quoi recommencer. Pas de confusion cependant : recommencer ne signifie pas ici répéter, mais faire à nouveau l’épreuve des possibilités infinies qu’il faudra faire venir à l’être d’une manière inédite.
Ainsi de la lecture : tout texte est d’abord confus, traces et lignes d’encre sur du papier. Lire, c’est animer ces traces. Mais c’est aussi enfermer le texte dans l’une de ses significations par-delà l’acte de lecture. C’est donc le figer et en quelque sorte l’appauvrir. Il faut dès lors y revenir, relire, renouveler sa lecture. A ce prix, la confusion n’est plus catastrophique car l’effort de lire la transforme en occasion de recommencer, inlassablement, à penser par-delà ce que nous savions pouvoir penser.

Portraits

Portraits de Jean-Claude Milner, Georges Mouamar, Catie Lépagnole et Françoise Valon, par Idriss Bigou-Gilles.

1918, l'été Joë Bousquet

 

Le 27 mai 1918, à Vailly-sur-Aisne, près de Soissons, sur le plateau de Brenelle, l’écrivain Joë Bousquet, poète et philosophe, est atteint par une balle en pleine poitrine qui blesse sa moelle épinière et provoque la paralysie immédiate et définitive des membres inférieurs. Dans un petit livre passionnant paru au mois de juin aux éditions Trabucaire, « Les blessures de Joe Bousquet 1918-1939« , Serge Bonnery et Alain Freixe reviennent sur cet événement qui détermina la vie sociale et artistique de Bousquet, et le rapproche de sa « deuxième blessure » : en 1939, lorsque Bousquet voit partir au front ses amis de Carcassonne et d’ailleurs, sa moelle épinière se remet à saigner…

Les auteurs nous ont autorisés à reproduire ici, chaque jour, des extraits de leur livre.

Aujourd’hui, une lettre de Joë Bousquet à Simone Weil… Lire ici.

 

Regarder

A onze kilomètres de Lagrasse, l’artiste Philippe Aïni a installé, dans l’ancienne cave coopérative du village de Serviès en Val, un centre d’art contemporain remarquable qui propose, jusqu’à la fin de l’été, une exposition collective d’une trentaine d’artistes autour de la haute figure de Pierre Souchaud, le créateur d’Artension. Chaque jour, nous vous proposerons une œuvre exposée dans l’exposition. Aujourd’hui, hommage au maître des lieux…

Né en 1952, Philippe Aïni vit et travaille à Serviès-en-Val, près de Lagrasse.

« Des compositions aux personnages grimaçants, malformés et macabres qui pourraient illustrer La Ballade des Pendus de François Villon. Elles sont d’ailleurs comme les peintures et les ronde-bosse du Moyen-Âge dont elles ont la violence. » (Dominique Stal)

Pour en savoir plus, on peut consulter ici le site de la Coop-Art.

Comme ça, pour terminer...