n°77 : samedi 5 août 2017

Acte et pensée

Gilles Hanus a animé pendant deux jours son séminaire, "L'acte et la pensée"...

EDITO

« Le Quichotte, c’est l’histoire d’une vie rêvée, où le rêve ne cesse de refonder le monde, mais c’est plus encore l’histoire d’un homme qui se relève« . C’est par ces mots que Camille de Toledo nous a présenté la conférence qu’il prononcera cet après-midi à 16 heures. Qui d’autre que l’ingénieux hidalgo, ce personnage beaucoup plus complexe que ce qu’en ont fait la légende et les résumés scolaires, pour incarner cette soif d’idéal et de justice ? « Un mélancolique qui décide de se mesurer au monde » écrivait à son propos Juan José Saer.

Tomber, et puis remonter sur Rossinante…

 

Les interviews de la guinguette

Le Banquet a commencé hier soir par une magnifique lecture de La Nature exposée, le dernier roman de Erri de Luca, lu par la comédienne Anne Alvaro.

Une présence symboliquement très forte : il y a vingt ans, jour pour jour, à Lagrasse, Anne Alvaro participait, dans le petit cloître de l’abbaye, et pour l’ouverture du troisième Banquet du Livre, à la lecture de Don Quichotte de la Manche, dans la nouvelle traduction qu’Aline Schulman venait tout juste de publier…

L'invention d'une librairie - deuxième partie

Depuis vingt ans déjà, Christian Thorel et son équipe d’Ombres Blanches à Toulouse inventent chaque année, pour la semaine du Banquet d’été de Lagrasse, une librairie ! De toutes pièces. Partant de zéro, à partir du thème par nous retenu, ils montent, brique après livre, une vraie librairie, riche et brillante. Pour sept jours. On a peine à réaliser la folie que cela représente. Alors nous avons demandé à Christian de nous raconter cette imprudente aventure…

Aujourd’hui, deuxième partie, une visite de la librairie du Banquet…

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Les livres des rêves

Depuis la nuit des temps littéraires, les hommes ont tenté d’imaginer les sociétés qu’ils étaient eux-mêmes incapables de bâtir. Même si, pour certaines, ce n’est pas plus mal, pour d’autres, la qualité des rêves, des inventions et des chimères leur ont fait traverser les âges. Nous vous en proposerons donc chaque jour, dans cette rubrique, quelques éclats. Aujourd’hui…

VOYAGE À LAPUTA, par Jonathan Swift

 

« Les Voyages de Gulliver », dont ce voyage à Laputa se situe au début de la troisième partie, est un roman satirique publié en 1721 par l’écrivain anglais Jonathan Swift. L’île de Laputa, où nous entraine ce troisième voyage, est une île singulière, qui flotte en l’air grâce à une pierre magnétique. Une position rêvée, pour la noblesse qui l’habite, pour regarder de haut le reste du monde, et le tenir à sa merci. Mais les habitants de l’île sont très étranges, perpétuellement plongés dans leurs réflexions, au point que pour se faire entendre d’eux, il faut auparavant les frapper d’une vessie… Obsédés par l’astronomie, les mathématiques et la physique, ils passent des journées entières à penser et repenser les choses, à émettre des conjectures et à se perdre dans d’incessants calculs.

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Hommage de l'auteur absent du Banquet...

L’absent, c’est un habitué du Banquet. Mais cette année, il n’est pas là. Pourquoi ? Et quel est l’état de son esprit en ce mois d’août 2017 ?… Aujourd’hui, la romancière Maylis de Kerangal.

 

Depuis quelques jours, une scène tourne en boucle dans ma tête. C’est l’aube, six ou sept heures, la fenêtre est ouverte, dehors rien ne bouge, les branches du faux-poivrier sont immobiles, les longues feuilles figées. Les volets ont cessé de taper contre le mur. Pas un souffle d’air. Le vent est tombé. Ce qui m’impressionne, c’est le silence. C’est fini. Je me dis : les feux, c’est fini. Je repense à ce moment étrange, la veille, quand la rumeur a parcouru la plage comme une onde souterraine et que chacun s’est tourné vers le Cap dans un beau mouvement d’ensemble : des flammes venaient d’apparaître là-bas, élancées depuis les pins, très hautes, agitées, d’un orange vif. Ce qui n’était jusque-là qu’un nuage lointain, un dôme grisâtre dans le ciel bleu de juillet, signalé par les va-et-vient des Canadairs et les flashs aux infos, était soudain un brasier tout proche, et très réel.

On a regardé l’incendie, on l’a regardé longtemps, les pieds dans le sable, la tête au soleil — le feu fascine, c’est l’effroi et le prodige, l’ardeur et le fléau, l’envers et l’endroit d’une puissance magique : une étincelle ravage un paysage entier. On a plissé des yeux, on a posé la main en visière sur le front, les enfants se sont arrêtés de jouer pour se rapprocher lentement de leur mère, les oiseaux ont évacué le ciel. Le feu avançait sur le Cap, il désagrégeait les bois, corrodait la ligne de crête, et il allait vite, attisé par le vent. La catastrophe se déroulait sous nos yeux, à quelques centaines de mètres, le mal était en train de se faire, le mal était fait, c’était déjà trop tard. Il faudrait attendre longtemps avant que la vie reprenne. Ce qui avait lieu devant nous était irréversible. Le feu laisserait des traces : la forêt d’après serait mauve et noire, vidée, les arbres carbonisés, esseulés, tordus, les hommes sidérés devant les maisons fumantes, la peau couverte de cendre et les yeux pleins de larmes. On est resté silencieux. Bientôt chacun retournerait jouer, s’éclabousser dans les vagues ou nager au large, tandis que les loups que le feu avait chassés des bois, apparaîtraient au bord de la falaise et nous regarderaient.

 

Variations sur l'action (2)

par Gilles Hanus

L’action révolutionnaire

Pour Walter Benjamin, le temps de l’action révolutionnaire est semblable à celui de l’enfance, intense et complexe bien que concentré. Au moment où elles agissent, les classes révolutionnaires ont la claire conscience de « faire sauter le continuum de l’Histoire ». La révolution équivaut une sortie du temps « vide et homogène » – le temps de l’horloge – vers le Jetztzeit, le pur présent vécu imprévisible – le temps de l’enfance. Changement de temps magistralement illustré par la révolution de Juillet durant laquelle en plusieurs endroits de Paris les révolutionnaires tirèrent, simultanément mais sans s’être consultés, sur les horloges, reconduisant le geste du Josué biblique.

Et pourtant l’un des gestes les plus forts de la Grande Révolution avait été la création d’un nouveau calendrier, on le sait. C’est que le temps du calendrier n’est pas celui de l’horloge :

« Le jour par lequel commence un calendrier fonctionne comme un accéléré historique. Et c’est finalement la même journée qui ne cesse de revenir sous la forme des jours fériés, des jours de commémoration (1). »

A l’extension infinie du temps homogène se substitue la concentration ; au temps catastrophique, celui du recommencement qui signifie toujours renouvellement. Le premier jour du calendrier, qui revient, ne réapparaît pas comme identique. C’est le même jour, à neuf : aujourd’hui.

(1)  W. Benjamin, Thèses sur l’Histoire, XV° thèse.

Feuilleton : les révoltés de Counozouls

par Jacques Joulé

Chapitre II

Résistance. C’est sûrement le mot qui convient le mieux aux habitants de ces rudes contrées. Tout ici résiste : les dures roches de granit taillées par les carriers italiens qui finirent par descendre dans les mines à la recherche de minéraux plus tendres. Et les arbres, mélèzes et sapins sciés par les montagnards bûcherons, abattus sur le plancher des vaches, et qui finiront dressés en mâts et vergues de bateaux, emportant leurs rêves d’évasions vers d’autres bouts du monde, affrontant les quarantièmes rugissant, le cap Horn, résistants à tous les vents puisque nés et bercés par la tramontane…

Les défenseurs de la cause cathare se nommaient les Feydits. Ils résistèrent au Roi, aux suppôts de l’église. Plus tard, au XXème siècle, dans la France occupée, la Résistance prit ici des formes légendaires. Le Pays de Sault et le plateau de Roquefortès n’échapperont pas à la règle des nouveaux Feydits, et s’illustreront au cœur de nombreux maquis. Les Feydits se firent maquisards, mais peu importe… Les noms ici, c’est pour l’officiel, l’Etat Civil. Pour la vie, chez les montagnards, les noms s’inventent. Ratatouille, La Liberté, La Biche, Rafoué, Ziou, c’est ainsi qu’on se surnomme. Et chez les maquisards : Jean-Louis, Captin, Marsoin, Danton, Moïse, Bartolo, volontaires venus de tous les horizons nationaux et politiques, réfugiés espagnols, catalans, jeunesses enflammées, montagnards locaux et paisibles bergers qui vont devenir force irrésistible. Mais qui s’en souvient encore en 2017 ?

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L'image de fin, et à demain...

Anne Alvaro, vendredi soir pendant la lecture de "La Nature exposée", de Erri de Luca...
16h
Camille de Toledo, « Accueillir l’aventure »
Conférence jardins de l’abbaye
18h
Yann Potin, « Rêver d’archive, faire agir l’histoire », conférence jardins de l’abbaye
21h30
Serge Renko, « Nulle autre chose ne m’est plaisir en dehors de toi », Lecture, jardins de l’abbaye

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