n°76 : vendredi 4 août 2017

Le Banquet du livre débute ce soir...

EDITO

Au commencement étaient les verbes…

Les trois : penser, rêver, agir. Comme une continuité naturelle avec le travail des banquets précédents (on vient toujours d’avant). Avec aussi, dans le cercle des écrivains amis, cette effervescence autour de l’idée d’engagement. Marielle Macé, une des plus brillantes commentatrices et penseuses de la littérature du vif, celle qui illustre et respire les vagues de notre temps, avait l’été dernier bouleversé les auditeurs du Banquet avec sa conférence Sidérer, considérer (qui paraitra dans quelques jours aux éditions Verdier). 

« Et cela vaut bien la levée d’une colère, y écrit-elle, contre toutes les façons, y compris savantes, y compris vertueuses, d’être inattentif. »

Nous étions ainsi convoqués à nous poser cette question de la colère, et donc celle de la réflexion, du rêve et de l’engagement. Comment pense-t-on sa vie dès l’instant où l’on a compris que l’on ne se satisferait pas de ce monde injuste, insupportable et vain ? Que fait-on de ce sentiment de l’inacceptable ? Et que perd-on de ces idées nettes, claires, lorsqu’on se décide à passer à l’action ?

Nous avons un Banquet entier, sept jours (et sept nuits !), pour pousser ces feux. Pour venir y éclairer, y réchauffer les spéculations les plus hautes, les textes les plus libres. Le Banquet débute ce soir, mais dès hier jeudi, Gilles Hanus, dans son séminaire – qui continue ce vendredi – a commencé à souffler sur ces braises. Et il a semé, sur la terrasse du bistrot, dans les allées du jardin, sur les murets du cloître, les premiers groupes de conspirateurs – ceux qui respirent ensemble…

Bienvenue à Lagrasse

 

 

L'invention d'une librairie !

Depuis vingt ans déjà, Christian Thorel et son équipe d’Ombres Blanches à Toulouse inventent chaque année, pour la semaine du Banquet d’été de Lagrasse, une librairie ! De toutes pièces. Partant de zéro, à partir du thème par nous retenu, ils montent, brique après livre, une vraie librairie, riche et brillante. Pour sept jours. On a peine à réaliser la folie que cela représente. Alors nous avons demandé à Christian de nous raconter cette imprudente aventure…

 

 

Penser Rêver Agir, par Christian Thorel

Depuis vingt ans (déjà !), dans ces journées non loin du solstice d’été, quand s’apprécient l’élargissement du temps et le surcroît de lumière du jour, il y a lieu de prendre le temps de la réflexion, et d’imaginer la librairie éphémère que nous installerons à Lagrasse, dans l’abbaye, le temps du Banquet.

Des banquets les plus récents, on se souvient des conférences et des lectures ordonnées autour de la solitude, de l’universel singulier, d’un « nous » à retrouver, de la communauté inavouable, et dernièrement de ce qui nous est étranger, suivi de ce qui nous sépare et ce qui nous relie. A chacun de ces épisodes, nous avons eu à revoir les catalogues, à faire de longues et patientes recherches. Après avoir détaillé ces thèmes en un grand nombre de sous-thèmes, il y aura eu à explorer pour chacun d’entre eux les possibilités de la littérature, de la philosophie et de l’histoire, mais aussi celles de tous les savoirs, il y aura eu à répondre par la présence des livres aux mots et aux idées que nous aurons associés à ces titres lancés depuis Lagrasse. Ces mots d’ordre qu’auront saisi, chaque été, les invités de ces Banquets successifs.

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Les livres des rêves

Depuis la nuit des temps littéraires, les hommes ont tenté d’imaginer les sociétés qu’ils étaient eux-mêmes incapables de bâtir. Même si, pour certaines, ce n’est pas plus mal, pour d’autres, la qualité des rêves, des inventions et des chimères leur ont fait traverser les âges. Nous vous en proposerons donc chaque jour, dans cette rubrique, quelques éclats. Aujourd’hui…

LES CINQ CENT MILLIONS DE LA BEGUM, de Jules Verne

 

Toute l’œuvre de Jules Verne est emplie de rêves et d’inventions. De mondes imaginés, qui tentent d’arracher le notre à ses pauvres limites. Et c’est à partir des sciences et techniques de la seconde moitié du dix-neuvième siècle que Verne bâtit toutes ses aventures. Elles se construisent dans le souci qu’a son auteur d’imaginer des systèmes dans lesquels l’homme trouve une place plus harmonieuse.

Dans ce roman paru en 1879, deux héritiers d’une fortune colossale, un français et un allemand (la guerre franco-allemande de 1870 est encore très proche), décident de bâtir deux villes, sur des principes opposés : ville idéale, soucieuse des nouvelles techniques d’urbanisme et d’hygiène, et ville usine, pensée pour produire. Une confrontation terriblement didactique entre deux mondes inconciliables…

 

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Hommage de l'auteur absent du Banquet...

L’absent, c’est un habitué du Banquet. Mais cette année, il n’est pas là. Pourquoi ? Et quel est l’état de son esprit en ce mois d’août 2017 ?… Aujourd’hui, le cinéaste Jean-Louis Comolli.

 

Évanescence, par Jean-Louis Comolli

C’est dit, je ne serai pas au Banquet d’été cette année. Certaines choses du côté du corps l’ont décidé pour moi. Soumis à cette décision, je ne suis pas engagé par elle. J’obéis au médecin, voilà tout. Ce qui veut dire que la part fantomatique de moi-même ne sera pas, elle, absente du Banquet. Depuis bien longtemps la pensée joue avec les questions de l’absence et de la présence. Nombre de religions en ont fait un « mystère ». Il a même fallu inventer l’expression de « présence réelle » pour tenter d’en finir avec ces zigzags entre absence et présence. L’une est dans l’autre, et inversement. En dépit de siècles de casuistique, de siècles de dialectique, en dépit des duperies de toute re-présentation, en dépit même de notre expérience directe de la mort des êtres aimés, nous avons toujours autant de mal à accepter que l’absence et la présence ne soient pas des absolus, mais plutôt des relatifs, plutôt des états simultanés/successifs où nous sommes à la fois présents et absents. Je verrai les remous bleus/verts de l’Orbieu, les passiflores du chemin de l’Abbaye déjà/pas ouvertes, mes amis du café du Banquet entrer/sortir souriants, j’entendrai les mots du Banquet comme ceux d’un temps à venir, encore absent, déjà présent.

Variations sur l'action (1)

par Gilles Hanus

Enfance et action

Dans « Morale du joujou », Baudelaire décrit “cette admirable et lumineuse promptitude qui caractérise les enfants, chez qui le désir, la délibération et l’action ne font, pour ainsi dire, qu’une seule faculté, par laquelle ils se distinguent des hommes dégénérés en qui, au contraire, la délibération mange presque tout le temps.”

Baudelaire dit le hors-temps, fût-il fantasmé, de l’enfance. Hors-temps dans lequel désirer (ou rêver), délibérer (ou penser) et agir ne faisaient qu’un. Chez l’adulte, précipité dans le temps, les trois facultés se dissocient, s’autonomisent et leur unité ne subsiste que sous la forme du souvenir, perdue et remémorée plutôt que vécue. Le temps est dégénérescence, qui, dissolvant la juvénile unité, rend possible l’ennui et le spleen : difficulté à agir, à trancher, catastrophe, c’est-à-dire « perpétuation de ce qui existe » (Walter Benjamin). Le temps de l’adulte est dilaté, il est fait de délai et d’attente, en lui la délibération s’oppose au rêve et à l’action parce qu’elle étouffe le premier et éloigne la seconde.

De ce point de vue, Baudelaire est platonicien qui considère le temps comme un simulacre, une “image mobile de l’éternité”, une réalité dégradée dont le mouvement est celui du sur-place. Pour renouer avec le hors-temps qui fait l’intensité de la vie, il faudrait, si c’était possible, retrouver l’enfance en soi.

Feuilleton : les révoltés de Counozouls

Par Jacques Joulé

CHAPITRE I

 

Ce qui frappe le plus, quand on cherche à situer le village de Counozouls sur une carte géographique, c’est qu’il se trouve en bas, tout en bas au bout de la France, au bout du département de l’Aude, au bout du canton d’Axat. Posé sur le plateau de Roquefortès, lui-même situé au bout du pays de Sault, ce canton forme une protubérance au sud du département. On pourrait même imaginer un cap, ou un balcon, posé sur une mer minérale qui attend la vague des Pyrénées qui l’engloutira sans faillir dans quelques millions d’années. En attendant, on peut admirer à l’horizon la chaîne des Pyrénées qui occupe tout l’espace, et se donne des airs d’Himalaya. A l’ouest le département de l’Ariège, au sud-est celui des Pyrénées-Orientales.

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L'image de fin, et à demain...