n° 82 : jeudi 10 août 2017

ailleurs on ne peut pas

Une image de "La Marseillaise", de Jean Renoir, projetée à l'atelier cinéma

EDITO

Nous avons largement dépassé l’équateur (qui a dit « y-a-qu’à voir vos têtes ? »). Jeudi, vendredi et sa nuit, et c’en sera terminé pour ce Banquet 2017 tant attendu. Chaque année, c’est la même étrange sensation, les journées filent et l’on se retrouve bientôt au bout, la tête bourdonnante des idées des uns et des autres, le corps fourbu et l’âme ouverte.

Car cet été 2017 tient ses promesses : tous les rendez-vous sont pleins, les nouveaux lieux se révèlent, et Lagrasse a retrouvé ces tremblements d’antan, quand il n’y avait pas de frontière entre l’abbaye et le village. C’était la principale leçon de Patrick Boucheron le premier jour de son cycle, illustré mardi par le beau texte de Mathieu Riboulet – va voir là-bas si j’y suis – que nous avons publié hier.

Se reposer ou être libre, disait l’autre. En attendant, du village à l’abbaye et retour, on marche…

 

Rebondir

Chaque matin, à 9 h 15 à la porte d’eau, un des intervenants de la veille vient rencontrer le public du Banquet de manière informelle, pour répondre aux questions qui ont mûri pendant la nuit. Hier matin, c’était au tour du philosophe Jean-Baptiste Brenet.

Un moment exceptionnel, petite pierre blanche sur ce matin avec Marielle Macé, qui ramena dans la lumière quelques interrogations restées dans l’ombre et les réponses de Jean-Baptiste Brenet scrupuleusement précises, et dévoilant toute l’importance et la nécessité de la pensée d’Averroès, de la pensée arabe. Des pensées qui lui font écho, et celles qui tentent de lui faire barrage…

 

Chapô

Chaque jour, à 12 h 30, Mathieu Riboulet lit un texte original, écrit pour l’occasion, en ouverture de « L’histoire mondiale de Lagrasse » qu’anime Patrick Boucheron. Beaucoup de spectateurs de ce qui est un des rendez-vous les plus prisés du Banquet nous ont demandé de pouvoir relire ces textes, et Mathieu a accepté de nous les confier…

9 août

Ailleurs, j’ai longtemps pensé que je pourrais y être. Et j’y suis allé voir. Sans me rendre bien compte que ce faisant j’obéissais à une sorte d’ordre implicite flottant dans l’air vicié du temps et parant la mobilité de toutes les vertus.

J’ai longtemps eu sous les yeux le contre-exemple radical de cette bougeotte un rien factice en la personne de mon voisin le plus proche dans le hameau creusois où je vis, Henri Bagnard. Vie de Henri Bagnard est le titre d’un livre que je n’écrirai sans doute pas. Et qui aurait tenu en peu de pages : bornée par deux dates, 1933 et 2016, sans qu’une seule de ces quatre-vingt-trois années ne soit marquée d’aucun événement susceptible de venir troubler le formidable bloc d’inertie dans lequel la vie de cet homme s’est progressivement sculptée. À deux exceptions près toutefois, dûment recensées comme telles par l’intéressé : le service militaire effectué en Algérie au début des années 1950, seul déplacement de cette existence en dehors des limites départementales, et la tempête de 1999, qui a lézardé cet édifice magnifiquement tenace, y ajoutant une fêlure d’inquiétude quant à l’avenir, à ce qu’il adviendrait du monde maintenant qu’un tel déchaînement de violence des éléments avait été possible, inquiétude qui ne l’avait pas même effleuré, par exemple, le 11 septembre 2001 : quand la planète entière retenait son souffle, lui considérait visiblement qu’il n’y avait rien là qui méritât qu’on s’y attarde.

Où était Henri Bagnard ? Ailleurs, mais je n’y étais pas, et nul, surtout pas lui, n’aurait songé à m’inciter à l’aller voir dans cet ailleurs puisqu’il était ici. Il n’y a qu’ici qu’on peut tenir lumière, vent, pierres, sable et odeurs dans un geste tranquille, ici, là où nous sommes. Ailleurs on ne peut pas. Ailleurs on n’y est pas.

Mathieu Riboulet

Une journée au Banquet

Chaque jour, un passant considérable nous raconte sa journée au Banquet. Aujourd’hui, Pascal Ory (Jouir comme une sainte et autres voluptés, Mercure de France 2017)

 

Oui, ce jour-là, nous sommes allés, mon épouse et moi, écouter et voir –car depuis le premier chaman on n’écoute pas seulement celui, celle qui parle, on les regarde aussi, on écoute leur incarnation – Patrick Boucheron, Mathieu Potte-Bonneville ou Victor Del Arbol et, à l’heure où j’écris, je me prépare à aller écouter-voir Nathalie Quintane. Et, in extremis, nous avons même pu venir écouter-voir le commentaire de Jean Narboni sur La Marseillaise, ce film que j’aime tant, que je fréquente assidûment depuis près de cinquante ans. Mais notre journée, nous la commençons rituellement chaque matin avec Catie Lépagnole, dans la garrigue – ce qui généralement nous oblige à sacrifier Jean Renoir, Eisenstein ou Jean-Marie Straub au profit de la pariétaire, du buplèvre et de l’hélichryse – je cite là des classiques de notre ethnobotaniste préférée.

Si le zénith de nos journées se passe toujours autour de notre Abélard de midi et demi, nos matines se rassemblent donc autour de cette anachorète rousse – aussi rousse que sa chienne Engie, qui batifole à ses côtés -. Catie est là pour nous rappeler que la « nature » est un autre mode de culture, qu’aucune de ces plantes n’est « mauvaise » et « inutile en soi », et qu’elles témoignent toutes d’une histoire mondiale – témoin avant-hier la vergerette du Canada, arrivée au XIXe siècle dans les peaux de castor destinées à la mégisserie de Mazamet.

L’interstice, c’est aussi désormais le plaisir de visionner à la Boulangerie des Moines des vidéos qui permettent aux convives d’aujourd’hui d’écouter-voir les convives d’hier, une conférence d’Annie Ernaux, une lecture de Pierre Michon. Qu’on permette à un historien de rappeler qu’on vit mieux avec des traces que sans, et que conserver une trace – le terme d’enregistrement a quelque chose de bureaucratique – des paroles-qui-volent est une excellente idée.

L’interstice qui fait tenir les murs, c’est encore Lucie Combret ou Jean-Pierre Olive, tous ces camarades sans qui le lien matériel – cette fameuse matière qui n’est jamais que du concentré de spirituel – ne fonctionnerait pas entre les invités qui montent et les invités qui descendent, les invités qui passent et les invités qui restent à demeure, tout ce clergé parfois capricieux inventé par la religion culturelle dont Lagrasse est un des sanctuaires.

Et puis, l’interstice qui empêche les murs de tomber – sauf celui qui sépare les deux abbayes, mais ceci est une autre histoire, qui s’appelle l’Histoire – c’est, le midi comme le soir, ces moments de repas donc d’échange, de fortes pensées et de n’importe quoi, auxquels préside Thibault Olivier, le meilleur traiteur à l’est du Pecos.

Voilà, je sais : au lieu de terminer sur Platon, je termine sur Archestrate (non, ce n’est pas un philosophe du IVe siècle avant notre ère qui vous aurait échappé, mais un poète gastronome du même siècle). Mais j’ai des excuses : en bon matérialiste de l’Antiquité contemporaine j’ai pris le mot banquet au pied de la lettre. C’est promis : je ne recommencerai plus.

Pascal Ory

Les interviews de la guinguette

Le philosophe Mathieu Potte-Bonneville était hier après-midi l’invité du Banquet. « Recommencer » était l’intitulé de sa conférence. (Entretien Antoine Beauchamp / Lina Mariou)

Les livres des rêves

Depuis la nuit des temps littéraires, les hommes ont tenté d’imaginer les sociétés qu’ils étaient eux-mêmes incapables de bâtir. Même si, pour certaines, ce n’est pas plus mal, pour d’autres, la qualité des rêves, des inventions et des chimères leur ont fait traverser les âges. Nous vous en proposerons donc chaque jour, dans cette rubrique, quelques éclats. Aujourd’hui…

Depuis la nuit des temps littéraires, les hommes ont tenté d’imaginer les sociétés qu’ils étaient eux-mêmes incapables de bâtir. Même si, pour certaines, ce n’est pas plus mal, pour d’autres, la qualité des rêves, des inventions et des chimères leur ont fait traverser les âges. Nous vous en proposerons donc chaque jour, dans cette rubrique, quelques éclats. Aujourd’hui…

LE MEILLEUR DES MONDES, de Aldous Huxley

Dans Le Meilleur des mondes, les êtres humains vivent au sein de l’État mondial. Seul un nombre limité de « sauvages » est encore regroupé dans des réserves. L’enseignement de l’Histoire est jugé parfaitement inutile. Les sociétés anciennes ont été détruites par un conflit généralisé, la « Guerre de Neuf Ans ». La reproduction sexuée a totalement disparu ; les êtres humains sont tous créés en laboratoire, et sont conditionnés durant leur enfance. Les traitements déterminent leurs futurs goûts, aptitudes, comportements, en accord avec leur future position dans la hiérarchie sociale.

Pour lire l’extrait, cliquez ici…

 

Le feuilleton de l'Iliade

Dominique Larroque-Laborde tient depuis dimanche dernier son atelier de grec ancien, consacré cette année à la préparation de la lecture de l’Iliade, d’Homère, que des dizaines de lecteurs porteront en fin de Banquet, dans la nuit de vendredi à samedi… Chaque après-midi, Mélanie Traversier, elle, travaille en petits groupes avec ces lecteurs amateurs, répétant le texte, traquant les sens opportuns.

Antoine Beauchamp tient ici, en son seul, le feuilleton de cette aventure…

Hommage de l'auteur absent du Banquet...

L’absent, c’est un habitué du Banquet. Mais cette année, il n’est pas là. Pourquoi ? Et quel est l’état de son esprit en ce mois d’août 2017 ?…

Aujourd’hui, l’ethnologue et anthropologue Michel Agier.

 

Penser, rêver, grimper

Je ne suis pas à Lagrasse cette année, pourtant le thème avec ses trois questions croisées m’intéresse et résume bien tout ce qui m’inquiète – comment penser ? à quoi rêver ? qu’est-ce qu’agir ? Mais si j’y pense, je suis loin, au haut de la haute vallée du Valgaudemar, dans la partie ouest du Massif des Ecrins. Là où la route s’arrête et disparaît dans l’herbe et la terre comme on le voit si rarement, laissant venir le paysage éblouissant du cirque du Vaccivier, à 1650 mètres d’altitude à peine. Je suis entouré d’un décor de pentes pierreuses, d’éboulis caillouteux, de glaciers, puis de sommets qui dessinent un paysage de sculptures rocheuses – ce sont des spectres en formes d’oiseau, de dent, de banc, de tête de loup, d’ours ou d’aiguille, au gré de l’imagination, des peurs ou fantaisies des montagnards qui depuis des siècles, pour se repérer, relèvent pareillement la tête depuis le sentier, le rocher ou la glace où se posent lentement leurs pieds.

Pourquoi ce besoin d’aller vers la haute montagne, de ne jamais tarder à y revenir ? Comment pourrais-je nier que j’ai d’abord un rapport citadin et esthétique à la nature entendue comme paysage. Comme la beauté de l’arbre mort nous renvoie à la ruine qui nous transmet sa mélancolie… Et bien des sensations déboulent quand je regarde ces hauteurs depuis la vallée qui monte quand la rivière torrentielle de la Séveraisse, elle, la descend, parfois furieuse. Le long défilé de ces sommets de l’Olan, des Rouies, des Bans, du Sirac, si hauts et pourtant si proches de la haute vallée, a quelque chose d’effrayant. Mais quelle émotion de penser qu’on atteint toute la grandeur de la beauté de ce que peuvent la Terre et sa tectonique. Pourtant, ces sensations restent extérieures, elles naissent du regard sur la montagne détachée de moi. La marche d’approche n’est encore que l’effleurement du corps de la montagne, de la matière de la roche, des pierres et de la terre ; les pensées et les rêves cheminent librement. Puis vient un moment où l’on y arrive, le corps pèse bien et s’équilibre sur les pieds qui se posent lourdement sur le sol, prennent leur temps avant de se relever et de faire l’autre pas, un peu plus haut. Je ne suis pas un alpiniste, mais pas non plus un marcheur, le terme n’est pas assez précis. Si l’on pense et si l’on rêve en marchant, il faut maintenant faire corps. Et voir comment en retour, le sol, la terre et la pierre de la montagne, le torrent glacé en plein été, le glacier, me ramènent à un ici et maintenant et donc, à une pragmatique qui me fait monter, et qui bouscule les rêveries, leur dit d’attendre… penser, rêver, oui, mais grimper.

« Je soulèverai mes yeux vers les montagnes »(1), et je grimperai modestement en respectant et côtoyant le pas de la chèvre d’abord sur le chemin qui monte caillouteux, puis du chamois qui gambade sur l’éboulis où je m’aventure, et enfin du bouquetin perché sur les promontoires inaccessibles, qui regarde de haut les grimpeurs. De leur corps, de leur pas hésitant sur le rocher, ils savent qu’ils ne l’atteindront jamais.

Michel Agier

(1) Psaume 121,1 in Erri De Luca, Sur la trace de Nives, Gallimard, 2006

 

Variations sur l'action (7)

par Gilles Hanus

La peur d’agir

Parce que l’acte aboutit dans l’inconnu, il nous confronte à la peur, « sentiment par excellence » écrit Lévinas dans Totalité et infini. La peur, engendrée en partie par la volonté d’agir, consiste essentiellement en la « conscience du danger ». Cette présence du danger, accompagnée de la présence de la conscience au danger, implique simultanément son imminence et sa non contemporanéité : dans la peur, le danger vient. Elle est présence émotionnelle à ce qui vient ou saisie de l’avenir sur le mode de l’émotion.

Pour les Stoïciens, le peur est l’anticipation d’une douleur. Parce que l’on a déjà ressenti cette douleur, on peut en redouter le retour. Cette répétition par anticipation de la douleur inhibe notre action et contraint (d’une contrainte interne, mais ce sont toujours les pires) notre pouvoir d’agir. Avoir peur, c’est en quelque sorte projeter le présent dans l’avenir et ne plus parvenir à voir le temps qui vient autrement que comme retour inéluctable du même.

Il faut donc, pour agir, surmonter sa propre peur, en faire l’occasion non d’un repli sur soi mais d’un véritable renouvellement. Car la peur inhibe certes, mais elle est aussi motrice. Ce qui permet d’en recueillir la force, c’est la confiance en la puissance du réel, en son incessante nouveauté. Le sujet d’une telle confiance voit son émotion se muer en force active.

 

Feuilleton : les révoltés de Counozouls

par Jacques Joulé

chapitre VII

 

 

Le lendemain matin, après une bonne nuit de sommeil, forces et esprit retrouvés, il allait falloir se quitter. Tous se connaissaient maintenant, quelques tutoiements semblaient naturels. Le préfet promit de débloquer des fonds pour refaire la route qui menait au village, mesure acquiescée par le député, le conseiller général et, pour ne pas être en reste, il annonça, sous les applaudissements, que les travaux promis depuis cinq ans sur le petit pont de l’Ayguette allaient pouvoir débuter dans les plus brefs délais… Enfin, on décida une grande chasse aux sangliers organisée par les villageois. Tout semblait aller pour le mieux, le cortège officiel pouvait redescendre vers la vallée… enfin pas tout de suite, un gendarme de l’escorte manquant à l’appel ! Recherché par ses collègues et, après quelques appels insistants, il finit par descendre le perron de la maison de la veuve F… Il rejoignit la troupe en bouclant son ceinturon : on pouvait enfin démarrer.

Anatole, derrière ses rideaux tirés, jeta un regard noir sur l’équipage en marmonnant « un jour je dirai tout, les incendies, tout, traîtres, vendus, salauds », suivi d’un crachat vers la cheminée. Son chien Bismarck ne daigna même pas ouvrir le seul œil qui lui restait. Cet homme avait pourtant été un héros militaire. Dans ses jeunes années, son chemin avait croisé celui du député Dujardin-Beaumetz qui, à cette époque, était peintre. Ses sujets de prédilection : la patrie, la nation, les scènes de batailles. Les titres de ses tableaux : Les Héros de la Patrie, Châteaudun, Octobre 70… Anatole avait servi de modèle au peintre pour l’un de ses tableaux mais, un différend les ayant opposés, Anatole vouait une haine tenace à l’artiste ; mais aussi et surtout au député, qu’il tenait pour responsable de la situation à Counozouls.
Dujardin-Beaumetz, après une première partie de sa vie consacrée au monde de l’art, s’engage en politique. Le 22 mars 1887, il est élu conseiller général du canton de Limoux. Ses premières interventions concerneront l’agriculture, fer de lance de l’économie dans le département de l’Aude : la crise viticole (le phylloxéra a détruit la plupart des vignes), le lancement de la culture du tabac, plus rémunératrice que la vigne, et le développement de certaines aides pour le traitement des vignes au sulfure de carbone.
Les élections législatives de 1889 seront plus sportives. L’affiche du candidat Beaumetz est très explicite : « La honteuse alliance Rougé-Fondi travaille ! A l’abri du mensonge, à l’abri de l’odieuse calomnie, elle veut, paysan, ouvrier, électeur, t’arracher ton bulletin de vote, te tromper, te voler ton suffrage, te rendre son complice ! Républicains de Limoux levez-vous en masse ! Il y va de l’intérêt supérieur de la patrie et de la République, désormais indissolublement liées ! Point de divisions mesquines ! Point de questions de clocher ! A la coalition des partisans de la liberté ! Citoyens, écrasons l’infâme réaction ! Écrasons les vendus et les traîtres ! Votons pour Beaumetz ! Le comité républicain de Limoux. »
Les deux hommes politiques qui viennent de s’affronter ne s’apprécient guère. Un duel a même lieu ! Une affirmation de M. Beaumetz, démentie par Fondi de Niort, et c’est l’escalade des mots. Le duel est arrêté mais il aura lieu aux environs de Paris, en 1892. Les conditions sont les suivantes : épées de combat, gants de ville à volonté, durée des reprises de cinq minutes, champ limité à trente pas et corps-à-corps interdit. Le combat doit cesser lorsqu’un des adversaires est dans l’impossibilité de continuer, sur l’avis des témoins et des médecins, MM. Schneider et Barbe. Le duel commence. Au premier engagement, Fondi de Niort est atteint d’une blessure légère à la main droite et d’une autre dans la région pectorale, cette dernière provoquant une hémorragie abondante qui l’empêchera de poursuivre l’affrontement.

Beaumetz interviendra également, et de façon décisive, auprès du ministère des Travaux publics pour que le projet de chemin de fer de la haute vallée de l’Aude puisse aboutir, afin de désenclaver cette partie du département.
A cette époque, les élections sont pour le moins agitées, et les pugilats fréquents dans les réunions contradictoires. A ce propos, les législatives de 1912 ne dérogent pas à la règle, le député sortant Beaumetz ne se représentant pas, préférant le sénat. C’est un de ses amis de longue date, Bonnail, qui va le remplacer. Opposé à lui, le très populaire aviateur Védrines, qui survole la campagne électorale à bord de son aéroplane, après avoir remporté la course Paris-Madrid. L’élection sera finalement remportée par Bonnail, candidat de la gauche, mais de nombreux incidents émaillent le scrutin.
Car si Beaumetz ne s’est pas représenté, ses raisons ne peuvent pas être imputées uniquement à la lassitude : le vol de La Joconde est passé par là ! Beaumetz est alors, à Paris, sous-secrétaire d’État aux Arts. Le précieux tableau a été déplacé avec d’autres œuvres pour une réfection des locaux et placé dans une réserve. Sauf qu’il a disparu ! Pour Beaumetz c’est un traumatisme. Il est, selon la presse, celui qui a perdu la Joconde ! Moqué, lâché par la classe politique, il sera même surnommé « le Jocon »…

La toile ne sera finalement retrouvée que deux mois après sa mort…

Dès 1891, Henri Dujardin-Beaumetz s’interroge sur le rôle de l’État en matière d’art. Il pense qu’il y a « depuis bien longtemps, dans notre pays, un malentendu sur le rôle que l’État doit jouer en matière d’art : les uns pensent que l’État doit diriger le mouvement artistique du pays ; les autres estiment qu’il n’y a qu’à le suivre en l’encourageant. La tradition en vertu de laquelle l’État croit devoir diriger l’art date de Colbert. Les défenseurs de l’art officiel ont pensé que, de même que l’État était avec raison, pour l’instruction publique, l’éducateur de la nation, il lui appartenait de diriger les tendances artistiques du pays dans ce qu’il croyait être le beau et le vrai. L’art officiel n’a jamais développé ses élus qu’en écrasant leurs adversaires, et pour qu’il eût le droit d’agir ainsi il eût fallu que ses représentants eussent la certitude qu’ils étaient en possession de la formule définitive. »

Trois mille personnes assistèrent à ses obsèques, créant le plus gros embouteillage du siècle (siècle commencé treize ans auparavant). Une ribambelle d’hommes politiques, tout de corbeau vêtus, d’autres en queue de pie, grimacèrent quelques discours creux emportés par un cers à décorner les bœufs… sauf ceux de Counozouls, bien sûr ! Tout ça sans goupillons ni trompettes ! Henri Charles Étienne Dujardin-Beaumetz rejoignait Marie-Louise Petiet et son beau sourire retrouvé.

 

L'image de fin, et à demain...

L'écrivain Victor del Arbol (à droite) remercie son traducteur, Dominique Blanc, à l'issue de la conférence de 18 heures...
9 h
Marcher dans la garrigue avec Catie Lépagnole, rendez-vous à l’abbaye
9 h 15
Rebonds (9h15 / 9h45), débat avec Mathieu Potte-Bonneville, au café Le Récantou, Porte d’eau
9 h 30
Atelier cinéma, animé par Jean Narboni et Jacques Comets. Aujourd’hui, « L’Anglaise et le Duc », d’Eric Rohmer. Salle des fêtes
10 h
Atelier grec, lecture de l’Iliade, école du village
10 h
CYCLE VIDEO ARCHIVES DU BANQUET
10 h : Conférence , Marie-Claire Galpérine, « La Caverne », 12 Août 2001 (55’) / 11 h : Conférence, Akira Mizubayashi, « L’île du bonheur, entre le français et le japonais », 10 août 2011 (95’) /

11 h
Atelier de philosophie, animé par Françoise Valon. Cour de la librairie, à l’abbaye
12 h 30
Patrick Boucheron, histoire mondiale de Lagrasse, Attention ! Changement de lieu pour aujourd’hui. Rendez-vous aux Etiroirs.
16 h 00
Martin Rueff, Conférence, Jardins de l’abbaye
17 h 30
Le Livre à la criée, Didier Daeninckx, librairie du Banquet
18 h 00
Jean-Claude Milner, Conférence, Jardins de l’abbaye
21h30
Débat entre Didier Daeninckx et Victor del Arbol, Jardins de l’abbaye

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Jean-Baptiste Brenet le 6 août 2017 au Banquet d'été

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