Vendredi 14 août

Les fins dernières

On sait bien qu’on ne fait jamais tout ça pour rien. Pendant les longues semaines de cet étrange printemps où nous avons tous douté de pouvoir nous rencontrer, partager à nouveau nos lectures et nos questions, nos doutes et nos découvertes, quelque chose s’est imposé peu à peu : nous pouvions changer d’avis. Prétendre un jour que bien sûr nous ne ferions rien, décidément, cet été, mais que ce n’était pas si grave. Et penser le lendemain qu’il n’était pas question de ne pas nous retrouver. Que ce que nous perdions à rester isolés risquait de nous décimer d’avantage. Nous avons donc appris à changer d’avis, et nous avons aimé ça. Oui, finalement, il n’y aurait pas de Banquet, mais nous allions permettre que naissent, différemment, sous des formes plus légères, les petits miracles des savoirs partagés. Nous allions marcher dans le village au lieu de nous enfermer de l’autre côté du pont, nous allions mettre en danger la belle mécanique des Banquets d’été, où il arrive de moins en moins souvent que nous nous fassions peur. Tous les jours, ce serait nouveau, et la question se reposerait sans fin de savoir si nous méritions ça.
Ainsi fut fait. Du point de vue de l’inconnu, de la fragilité, de la légèreté, ces rencontres d’août furent une merveilleuse réussite. Depuis la nuit du 4 août et ses grandes espérances, nous avons assisté à un incroyable procès aux Philippines à la fin du seizième siècle, bondi sur les galets de l’Orbieu à la musique des poèmes, élevé des rênes avec les Évènes, bataillé avec l’esprit de l’ours, remonté la Loire à fleur d’eau, compté les centimètres qui séparent les néandertaliens de l’homme de Denisova, cherché à nous rappeler de la mémoire des souvenirs, traversé plusieurs fois les rues d’Yonville, souhaité, dans l’éternel retour de la France éternelle, entre entraves et limites, une paix permanente, quoi qu’il en coûte, trainé dans Barcelone enfiévrée avec des femmes fortes, suivi les gilets jaunes et appris à manifester, accueilli Voltaire plus jeune que jamais, tenté de toujours recommencer, de cogner la philosophie à la psychanalyse et inversement, lorsqu’on atteint les limites de l’une ou de l’autre. Et décidé de nous tenir attentif à toute forme émancipatrice du savoir.
Finalement, tout s’est passé comme imprévu, mais en mieux.

 

Dans la nuit de mercredi à jeudi, il y eut aussi cette phrase de Karl Marx tirée d’une de ses lettres, citée par Stéphane Habib « Il devient de plus en plus clair qu’il faut chercher un nouveau point de rassemblement pour les têtes qui pensent vraiment et les esprits vraiment libres. Je suis persuadé que notre projet irait au-devant d’un besoin réel, et en fin de compte il faut bien que les besoins réels trouvent une satisfaction réelle. Je ne doute donc pas de la réussite de l’entreprise, pour peu qu’on s’y mette avec sérieux. »
Monsieur Marx, vous pouvez compter sur nous.

Il faut bien que l’on se sépare

Alors bien sûr, ces journées du mois d’août s’achèvent. Ce soir, tout sera terminé. Et il va falloir que l’on se sépare : l’automne est une porte basse. Mais on a pu le lire dans ces pages, on se sépare parfois pour être plus près des autres. Partez donc, vous qui devez partir pour que naissent d’autres projets, d’autres idées, d’autres actions, partez ! Vous ne le savez pas encore, mais vous serez là toujours.

19 h : Mélanie Traversier

C’est donc à Mélanie Traversier, historienne et comédienne, que revient la lourde chance de clore ces rendez-vous exceptionnels et particuliers. Il sera à coup sûr question de littérature et de l’histoire des hommes. De Tostes (27340) à Damas (0100), les chemins textuels flaubertiens sur lesquels Mélanie a choisi de nous entrainer, pour terminer ces rencontres d’août, emprunteront aussi à tous ces détours, ces embardées dont les autres conférenciers, depuis le 4 août dernier, ont éclairé leurs propos. On devrait se régaler.

Conversations avec Siro 6/6

Dima El-Horr est réalisatrice et libanaise. Elle vit entre Paris, Lagrasse et Beyrouth, où elle visite famille et amis plusieurs fois par an. Elle nous présentera, jeudi prochain à l’abbaye, dans une soirée de cinéma en plein air, La fille au scooter, le dernier film documentaire qu’elle a réalisé à Beyrouth en 2019. Juste avant le suspend de la pandémie, elle venait d’y terminer le tournage d’un nouveau film consacré à Siro, Sirvat Fazelian, une artiste libanaise, peintre et comédienne rencontrée en 2010 sur le tournage de son premier long métrage, Chaque jour est une fête.
Dima El-Horr nous propose ici, dans Corbières-Matin et jusqu’au 14 août, une petite série documentaire autour des communications téléphoniques qu’elle a régulièrement continué à avoir avec Siro. Des échanges par delà le silence des pays confinés, qui évoquent les questions que se pose la vieille femme, les douleurs de Beyrouth et du Liban plongés dans une profonde crise économique, politique et sociale, mais aussi la nostalgie et les espoirs de Dima. En ces jours où le drame s’est rajouté au drame, nous sommes heureux et fiers de ce rendez-vous quotidien.

Un été avec Delibes 6/6

 

Miguel Delibes est né il y a cent ans, à Valladolid, en Castille. Il est l’auteur d’une magnifique œuvre romanesque qui célèbre la campagne espagnole et ses fantômes, le peuple muet des années de dictature, mais aussi les affres de la petite bourgeoisie des villes ou la grande histoire du pays. La plupart de ses livres sont parus, en français, aux éditions Verdier.
Cette série vous propose de découvrir sa biographie, des extraits de ses livres, l’analyse des principaux thèmes qu’ils illustrèrent, et de retrouver, en six épisodes, le film documentaire que lui consacra, en l’an 2000, la série de France 3, Un siècle d’écrivains.

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Lire et Lier

Yann Potin et Patrick Boucheron, à midi sous la halle. « On ne parle pas dans les lieux. Ce sont les lieux qui parlent à travers nous…« 

Dima El-Horr, très émue, présente son film, La Fille au scooter, tourné à Beyrouth en 2018

Dans la nuit des Corbières, le cinéma aux étoiles a fait le plein.

À Lagrasse, le port du masque est souhaité. Il est obligatoire dans la librairie de la Maison du Banquet, comme dans tous les commerces du village.

Il est fortement conseillé dans l’enceinte de l’abbaye, jusqu’à prendre place.

Les chaises seront installées en respectant les distances préconisées.

Le nombre de participants à nos rencontres étant limité, il est possible de réserver ses places pour les rencontres de l’après-midi à :

reservationlirelier@gmail.com en indiquant le prénom et le nom pour chaque réservation.

Pour tous les autres, l’entrée sera possible dans la limite des places restantes.

Pass journée 6€ ou adhésion sur place.

Gratuité pour les adhérents à l’association présentant leur carte 2020

Numéros précédents

Corbières-Matin n°117, du jeudi 13 août 2020
Corbières-Matin n°116, du mercredi 12 août 2020
Corbières-Matin n°115, du mardi 11 août 2020
Corbières-Matin n°114, du lundi 10 août 2020
Corbières-Matin n°113, du dimanche 9 août 2020
Corbières-Matin n°112, du samedi 8 août 2020
Corbières-Matin n°111, du vendredi 7 août 2020
Corbières-Matin n°110, du jeudi 6 août 2020
Corbières-Matin n°109, du mercredi 5 août 2020
Corbières-Matin n°108, du mardi 4 août 2020
Toutes les archives de Corbières-Matin

 

 

 

vendredi 14 août

midi à l’abbaye : Rebonds, dédicaces etc.
Avec tous les auteurs encore présents, une grande séance de signatures et de conversations informelles, dédicaces et rebonds. Que restera-t-il de ces onze jours passés ensemble ? Les distances barrières, ou le fil invisible qui nous aura unis ?…
Avec Jacques Bonnaffé, Christophe Pradeau, Marielle Macé, Yann Potin, Mélanie Traversier, Michel Jullien, Dima El-Horr, Jean-Claude Milner, Stéphane Habib, Patrick Boucheron.

 

19h à l’abbaye : Relire, Revenir, Mélanie Traversier

Historienne, comédienne, lectrice, auteure de plusieurs livres sur la musique et le genre, Mélanie Traversier est aussi une fidèle de Lagrasse et de ses Banquets.

C’est ce que nous avons fait cette année : nous avons passé le pont, et nous sommes tous encore ici, mais les fantômes, il s’en trouve toujours, ne nous sont pas hostiles. Il n’y a que les hommes de pouvoir et les hommes d’église, les hommes habilités à jeter des ponts, pour penser que les fantômes sont des ennemis. Pour nous qui franchissons ces ponts, et ce faisant décidons de laisser venir les âmes errantes à notre rencontre, ce sont des présences apaisantes, ils sont notre devenir. Ils sont ailleurs, nous sommes ici, demain ce sera l’inverse, quelle importance ? Chaque jour des arbres tombent et des ponts sont coupés. Restent lumière, vent, pierres, sable et odeurs d’ici, lumière, vent, pierres, sable et odeurs d’ailleurs, restent nos vies inquiètes et nos élans joyeux. Nous vivons dans des ruines et avec des fantômes, des matières mortes, des matériaux vivants, des événements violents dont nous ne savons plus s’ils ont eu lieu ou non, et, restons pascaliens : nous ne sommes pas au présent ; mais si le présent est un lieu, où sommes-nous alors, puisqu’il nous est impossible d’être partout comme d’être nulle part ? Nous sommes là où notre présence fait advenir le monde, nous sommes pleins d’allant et de simples projets, nous sommes vivants, nous campons sur les rives et parlons aux fantômes, et quelque chose dans l’air, les histoires qu’on raconte, nous rend tout à la fois modestes et invincibles. Car notre besoin d’installer quelque part sur la terre ce que l’on a rêvé ne connaît pas de fin.

Mathieu Riboulet, Nous campons sur les rives, Verdier 2018