LAGRASSE, DU 4 AU 14 AOÛT 2020

CECI N'EST PAS UN BANQUET

MARDI 4 AOÛT

Nous y voilà.

Les menaces sanitaires du printemps ont eu raison du Banquet d’été que nous devions tenir cette année entre le 8 et le 14 août. À la date prévue pour la confirmation des locations des grandes infrastructures nécessaires à notre manifestation – chapiteaux, mobiliers, services de restauration, transports – tout poussait à croire raisonnablement qu’aucun rassemblement d’importance ne pourrait avoir lieu cet été. Notre programme était bouclé, et tous les invités confirmés. La mort dans l’âme, comme l’ensemble des organisateurs des grands rendez-vous culturels de l’été, nous avons dû tout annuler. Mais dans le communiqué que nous avons alors publié pour annoncer la mauvaise nouvelle, nous avons tout de suite affirmé que nous serions quand même présents, sous d’autres formes, avec une formule différente que nous nous laissions le temps d’imaginer.

Nous y voilà.

À partir de ce soir, et jusqu’au 14 août, nous vous proposons, dans l’abbaye et dans le village de Lagrasse, quelques moments de partage autour des idées, de la littérature et du cinéma. En plein air, sans chapiteau, dans des dispositifs qui ménageront les distances raisonnables entre nous. Avec une librairie et un bistrot, et un Corbières-Matin qui paraîtra chaque jour.

Ne nous y trompons pas : Ceci n’est pas un Banquet. Il n’y aura pas de communions sous le grand chapiteau. Pas d’immense et irremplaçable librairie du Banquet dans le grand cellier des moines. Pas d’ateliers du matin. Le site est aménagé en fonction de ce qu’il est raisonnable de faire, et les repas se prendront dans les restaurants du village.

Mais le même appétit de savoirs et d’échanges nous anime.

Des historiens, des cinéastes et des philosophes, des romanciers et des poètes seront là, pour cette occasion – qui nous enchante – de retrouver ceux d’entre vous qui le souhaiteront.

LA NUIT DU 4 AOÛT

Dans la nuit du 4 août 1789, l’Assemblée nationale constituante vote la fin des privilèges féodaux. L’abolition de tous les droits et privilèges des ecclésiastiques, des nobles, des provinces, des villes et des corporations.
« C’était le 4 août, à huit heures du soir, heure solennelle où la féodalité, au bout d’un règne de mille ans, abdique, abjure, se maudit » (Jules Michelet, Histoire de la Révolution française).
Moins d’un mois auparavant, la prise de la Bastille avait été le signal d’une vague de révoltes à travers les campagnes, que l’on appela la Grande Peur. L’Assemblée est alors réunie pour rédiger une nouvelle Constitution, et un texte qui deviendra La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Mais tous les récits d’insurrections qui lui parviennent des provinces imposent d’abord ce premier décret radical sur la fin des privilèges.
Et nous voilà aux portes de la nuit de ce 4 août 2020.
Nous sortons d’une grande peur qui nous tint éloignés les uns des autres, et au moment de retrouver nos semblables, ce que nous entendons n’est pas ce qu’on nous avait annoncé. Tout le monde était sûr que nous sortirions de cette crise avec en tête des revendications sanitaires, des exigences sur la protection de notre santé. Or, ce qui s’est levé depuis la fin de cet étrange printemps concerne avant tout et presque exclusivement nos libertés. On lira à ce propos, avec profit, cet article de Mathieu Potte-Bonneville, paru à la mi-avril. Mathieu animera une soirée à Lagrasse le mercredi 12 août.
L’historien Patrick Boucheron, qui animera ce soir à l’abbaye de Lagrasse, aux côtés de Yann Potin, cette nuit d’ouverture, revient ici sur ce paradoxe…
Le cinéma, comme le music-hall ou les œuvres vidéo documentaires, se sont emparés de cette nuit du 4 août pour en explorer les moindres nuances. Vous trouverez ici quelques illustrations, plus ou moins pertinentes…

SE SÉPARER DU MONDE

1/6 Le droit à la retraite

Nous nous sommes donc retirés du monde.
En l’espace de vingt-quatre heures, il a fallu tout abandonner. Le travail, les amis, les habitudes, jusqu’à l’espace aimable de la ville ou des campagnes. Il y allait de notre vie, de celle de nos proches. Et même si les moyens modernes de communication nous ont évité d’être tout à fait isolés, nous avons tous, ou presque, vécu ce printemps confiné comme une épreuve.
Pourtant, dans l’histoire de notre humanité, ce mouvement radical d’abandon du monde et des autres hommes a toujours existé. Reclus, ermites, anachorètes et stylites, cénobites, ascètes ou gymnosophistes, ils se sont tous confinés par vouloir…
Lire la suite…

LA CARTE EST LE TERRITOIRE

Tout au long de ce cycle estival, nous nous poserons la question des cartes. Et de la façon dont elles inventent l’image d’un territoire, d’un chemin, mais aussi de réalités plus complexes. La carte est un outil pour se situer dans l’espace, pour se déplacer, mais aussi pour faire surgir d’un territoire des réalités plus symboliques.
Comme celle choisie aujourd’hui, éditée en Allemagne de l’est en 1988, et qui proposait cette représentation de la ville de Berlin…

Le 9 novembre 2019, pour célébrer le trentième anniversaire de la chute du mur de Berlin, qui scella la réconciliation de la ville avec elle-même, Le Monde a publié une page d’analyse sur les écarts qui s’étaient depuis creusés entre les deux anciens pays, entre ces deux moitiés de ce qui est désormais une seule et même nation. Une analyse appuyée sur des cartes dont la lecture est impressionnante. Voici cet article.

LE DERNIER MOT

Et vous, quel est le dernier mot que vous ayez cherché dans le dictionnaire ?

Pourquoi, et où vous a-t-il mené ?…

Nous allons, tout au long de ce cycle, nous intéresser à cet exercice particulier. Aujourd’hui, c’est l’historienne et comédienne Mélanie Traversier qui nous répond. Elle qui aura le dernier mot, le 14 août prochain, pour clore ce cycle LIRE-LIER, en animant la dernière rencontre, choisit donc le premier.

Quoi ?...
Le nom du vent du nord, ici, c'est le Cers

Toutes les archives de Corbières-Matin sont ICI

 

  • À Lagrasse, le port du masque est souhaité. Il est obligatoire dans la librairie de la Maison du Banquet, comme dans tous les commerces du village.
  • Il est fortement conseillé dans l’enceinte de l’abbaye, jusqu’à prendre place.
  • Les chaises seront installées en respectant les distances préconisées.
  • Le nombre de participants à nos rencontres étant limité, il est possible de réserver ses places  pour les rencontres de l’après-midi à reservationlirelier@gmail.com en indiquant le prénom et le nom pour chaque réservation.
  • Pour tous les autres, l’entrée sera possible dans la limite des places restantes.

 

Pass journée 6€ ou adhésion sur place.

Gratuité pour les adhérents à l’association présentant leur carte 2020.

Pas de restauration cette année sur le site de l’abbaye.
Nous vous invitons donc à réserver dans les restaurants du village, qui sont tous nos partenaires.
Le Bastion : 04 68 12 02 51
Le 1900 : 04 68 12 17 67
La Cocote fêlée : 04 68 75 90 54
Le Café de la Promenade : 04 68 43 15 89
La Petite Maison : 04 68 91 34 09
Le Coupa Talen : 04 68 43 19 36
L’Entrepôte : 04 68 43 16 59
Le Temps des Courges : 04 68 32 33 32
Casses-croûtes chez Zivelli (charcuteries-fromages, 04 68 49 58 70) et au Récantou (tapas-glaces, 04 68 49 94 73)

TOUT LE PROGRAMME

mardi 4 août

22h à l’abbaye : La nuit du 4 août, avec Patrick Boucheron et Yann Potin
En 1789, la fameuse nuit du 4 août, qui prononça la fin des privilèges, faisait suite à la Grande Peur. On y allait pour parler du pain et des taxes, on y consacra surtout la liberté de chacun. Ça ne vous rappelle rien ?
Yann Potin et Patrick Boucheron sont historiens. Ils se connaissent bien. Yann Potin est spécialiste des archives, Patrick Boucheron – professeur au Collège de France – du Moyen-Âge italien. Ils ont ensemble dirigé et coordonné la grande Histoire mondiale de la France, parue au Seuil en 2017.

mercredi 5 août

midi sous le pont : Brut de poésie, Jacques Bonnaffé
Jacques Bonnaffé est comédien et metteur en scène. Il est originaire du Nord, et fidèle à notre Sud, qu’il fréquente amoureusement depuis des années. Mais son pays, territoire de coeur et de raison, c’est la poésie, qu’il sert avec une liberté et une fantaisie uniques. Sous le pont, les pieds dans l’eau – ou pas – il fait bondir les mots, leur musique, leurs images. Un vrai cinéma.

18h à l’abbaye : Manila Dream, Romain Bertrand
Pendant trois jours, l’historien Romain Bertrand, qui l’an dernier nous tint en haleine avec le prodigieux voyage presque achevé de Magellan autour du monde (Qui a fait le tour de quoi ? L’affaire Magellan, Verdier 2020) vient nous raconter le procès que le Gouverneur des Îles du Ponant, Francisco de Sande, tint à Manille à la fin du seizième siècle dans une bien incroyable affaire.

Romain Bertrand est historien. Il est directeur de recherche au Centre de recherches internationales (CERI, Sciences Po-CNRS). Spécialiste de l’Indonésie moderne et contemporaine et d’histoire globale, il a consacré de nombreux travaux à la question des dominations coloniales européennes en Asie du Sud-Est.
22h à l’abbaye : Soirée oiseaux. Attachés à ce qui tombe, Marielle Macé
Marielle Macé fait partie de ceux qui, pendant le confinement, ont été attentifs à ces chants d’oiseaux que l’on redécouvrait, au milieu des silences de la ville. Des fois, ça fait réfléchir.

Chercheuse et écrivain, Marielle Macé est l’auteur, chez Verdier, de Sidérer, considérer. Migrants en France (2017), et de Nos Cabanes (2019). Ses livres prennent la littérature pour alliée dans une réflexion critique sur nos formes de vie.

jeudi 6 août

midi sous le pont : Brut de poésie, Jacques Bonnaffé
18h à l’abbaye : Manila Dream, Romain Bertrand
22h à l’abbaye : Dialogues, Nastassja Martin
Son livre, Croire aux fauves, paru en octobre 2019 aux éditions Verticales, a été un des événements de la dernière rentrée. Elle y raconte son aventure, à la fin du mois d’août 2015, dans les montagnes du Kamtchatka. Sa rencontre avec un ours, et la lutte dramatique qui s’ensuivit, dans laquelle elle fut près de perdre la vie. Mais le livre est aussi le récit des failles et des doutes sur la place de chacun dans ce monde, hommes et bêtes, corps et esprits. Une interrogation profonde et forte, qui a connu une nouvelle résonance dans la crise sanitaire que le monde vient de traverser.

Nastassja Martin est anthropologue, diplômée de l’EHESS et spécialiste des populations arctiques. Elle est l’auteure d’un essai, Les Âmes sauvages. Face à l’occident, la résistance d’un peuple d’Alaska, publié à La Découverte en 2016.

vendredi 7 août

midi sous le pont : Brut de poésie, Jacques Bonnaffé
18h à l’abbaye : Manila Dream, Romain Bertrand
21h à la Coop’art de Serviès en Val : Délirer, délier, Une nuit avec Jacques Bonnaffé
Dans le cadre incroyable de l’ancienne cave coopérative viticole du petit village de Serviès-en-Val, à 10 kilomètres de Lagrasse sur la route de Carcassonne, Jacques Bonnaffé et ses poèmes voyageurs nous donnent ce soir rendez-vous. Le peintre et sculpteur Philippe Aïni a choisi, il y a quelques années, de transformer ce temple viticole en galerie d’art. Le pari était un peu fou, mais chaque année Philippe Aïni propose des expositions de grande qualité, qui permettent de découvrir des artistes singuliers, souvent hors des modes et des marchés.

samedi 8 août

midi sous le pont, sous la halle ou ailleurs : Espacer le temps : essais de cartographies parlées, Yann Potin et Patrick Boucheron
Carte en main, une géographie mouvante, et émouvante, d’un côté à l’autre des ponts de Lagrasse.

18h à l’abbaye : La corde des extases, Michel Jullien
Lecture d’un inédit.
Michel Jullien a publié en février dernier, juste avant que les librairies ne ferment, un très beau livre, Intervalles de Loire (Verdier) canotage littéraire au ras de l’eau, au fil du fleuve, dans le remous des sables, entre les îlots, sous les ponts. Le monde vu du fleuve, porté par le courant d’une langue pleine de sons, d’images et de ravissements.

22h à l’abbaye : Je vous parle d’un continent lointain, François Bon
Professeur de préhistoire à l’université de Toulouse, François Bon a dirigé le Centre de recherche français de Jérusalem. Il conduit des recherches en Europe et en Afrique sur les premières sociétés d’Homo sapiens, et mène plusieurs chantiers archéologiques, dans le sud de la France comme en Éthiopie. Ouvrages : Préhistoire, la fabrique de l’Homme (Seuil, 2009) ; Sapiens à l’œil nu (CNRS Éditions, 2019).