Mercredi 5 août
Une vie sans rechange
Inutile de casse-péter : le confinement nous a vivement convoqué. En éclairant là où nous en étions exactement de notre vie, il nous a surtout rappelé à tout ce qui nous manque.
Chacun est sorti de la tribulation comme il a pu, plus fort ou tout à fait cassé, un peu sonné, fêlé ou enforci, troublé ou, au contraire, réparé de tout. Les plus cinglés sont évidemment ceux qui prétendent qu’il ne leur ait rien arrivé.
Et la lecture, dans tout ça ? On ne reviendra pas sur ce qui s’est tant dit, et constaté. Les femmes et les hommes ne confinent pas égaux en droits. Même pour la lecture. Certains, qui avaient pris de la distance avec le livre, ont dévoré des pans entiers de leur bibliothèque. D’autres, grands lecteurs, se sont révélés incapables de tenir un livre. Pareil pour l’écriture.
Alors en cet été de récupération, que peut-on dire encore de ce lien qui courait, d’un livre à l’autre, entre les lecteurs, qui élargissait les souffles, écarquillait les pensées, libérait les regards ?
Qu’est-ce qui nous lie encore, à travers ce qu’on lit ? C’est le souci de cette dizaine de jours pendant lesquels nous allons nous rencontrer à nouveau, sur un autre mode, que nous souhaitons paradoxalement, au moment où l’on se doit de garder ses distances, plus proche et plus simple…

Jacques Bonnaffé
Romain Bertrand, bande annonce
La série de l’été aura lieu en trois épisodes, dans les jardins de l’abbaye. Ce soir à 18 heures, puis demain et vendredi à la même heure.
Comme l’été dernier où il nous fit vivre le presque tour du monde de Fernand de Magellan, Romain Bertrand nous embarque vers les lointains.
Pitch : Le Gouverneur des Îles du Ponant, Francisco de Sande, rend son jugement dans une bien curieuse affaire. Deux jeunes femmes originaires de l’île de Cebu, où les Espagnols ont établi une décennie auparavant leur premier camp fortifié, ont avoué, sous la torture, avoir plongé pour quelques heures dans la folie un conquistador au moyen d’un onguent maléfique, et qu’elles ont dansé dans les airs « plus haut que le faîte des maisons ».
Forcément, ça fait jaser…
Marielle et les oiseaux
Ce soir à 22 heures, Marielle Macé sera à Lagrasse dans les jardins de l’abbaye pour lier, entre littérature, poésie et souci des autres, les récits de ce temps étrange. Elle revient, dans cet entretien sur « ce qui nous est arrivé »…
Se séparer du monde
2/6 Fuir l’amour et les hommes
Nous nous sommes donc retirés du monde.
En l’espace de vingt-quatre heures, il a fallu tout abandonner. Le travail, les amis, les habitudes, jusqu’à l’espace aimable de la ville ou des campagnes. Il y allait de notre vie, de celle de nos proches. Et même si les moyens modernes de communication nous ont évité d’être tout à fait isolés, nous avons tous, ou presque, vécu ce printemps confiné comme une épreuve.
Pourtant, dans l’histoire de notre humanité, ce mouvement radical d’abandon du monde et des autres hommes a toujours existé. Reclus, ermites, anachorètes et stylites, cénobites, ascètes ou gymnosophistes, ils se sont tous confinés par vouloir…
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La carte est le territoire
Tout au long de ce cycle estival, nous nous poserons la question des cartes. Et de la façon dont elles inventent l’image d’un territoire, d’un chemin, mais aussi de réalités plus complexes. La carte est un outil pour se situer dans l’espace, pour se déplacer, mais aussi pour faire surgir d’un territoire des réalités plus symboliques.
Comme celle choisie aujourd’hui, qui documente l’origine des immigrants réguliers dans chaque état des États-Unis d’Amérique…
Le dernier mot
Et vous, quel est le dernier mot que vous ayez cherché dans le dictionnaire ?
Pourquoi, et où vous a-t-il mené ?…
Aujourd’hui, c’est l’auteur et dessinateur de bande dessinée Jean-Louis Tripp, qui nous répond.
Jean-Louis Tripp vient de publier chez Casterman le second tome d’Extases, autobiographie graphique de sa vie sexuelle depuis la petite enfance.

La nuit du 4 août a donc réuni un nombreux public qui s’est pressé dans le parc de l’abbaye pour le démarrage de ce cycle estival. Patrick Boucheron et Yann Potin ont fait entendre le grand vent de l’Histoire. Mais sans vent. Le Cers, qui lançait depuis trois jours et trois nuits d’effrayants coups de boules, attisant les feux, dégondant les volets, décornant les encornés, avait trouvé ses maitres. Il en rabattit brusquement à la tombée de la nuit. Calme soudain. Pas un chant de grenouille, sans que l’on sache vraiment qui les avait fait taire. Battre l’eau ou la campagne…
On apprit ensuite que nous ne vivions que le trente-cinquième mardi 4 août depuis 1789, ce qui, mine de rien, rapproche un peu de l’événement ! Et qu’il fallait nous habituer à toujours arriver trop tard : cette nuit du 4 août, elle s’était jouée le 3, quand on se mit en tête, à l’Assemblée, de régler les temps de parole, cinq minutes de sablier, ou dix orateurs seulement, des règles, des lignes de hors-jeu, des arbitres ! Mais la parole ne se fait raison que lorsqu’elle est libre de tout carcan. Alors on parlera comme on voudra, comme on pourra, comme il le faut. Et de fait, le lendemain, quelque chose se joua d’une surenchère enchantée, la parole poussant la parole, repoussant les limites et les privilèges. Les lectures de Mélanie Traversier portaient Yann Potin et Patrick Boucheron, déliant les légendes et les idées reçues sur cette nuit, qui reste au fond un mythe sans archives. Dans la nuit noire, sous la longue muraille du transept, eux se poussaient d’amitié et d’érudition, d’attention à l’autre et à ce beau thème de la volonté des hommes de ne pas se contenter de ce qu’on leur impose…

Numéros précédents
Corbières-Matin n°108, du mardi 4 août 2020
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Salvador Dali, Venise, 1947
À Lagrasse, le port du masque est souhaité. Il est obligatoire dans la librairie de la Maison du Banquet, comme dans tous les commerces du village.
Il est fortement conseillé dans l’enceinte de l’abbaye, jusqu’à prendre place.
Les chaises seront installées en respectant les distances préconisées.
Le nombre de participants à nos rencontres étant limité, il est possible de réserver ses places pour les rencontres de l’après-midi à :
reservationlirelier@gmail.com en indiquant le prénom et le nom pour chaque réservation.
Pour tous les autres, l’entrée sera possible dans la limite des places restantes.
Pass journée 6€ ou adhésion sur place.
Gratuité pour les adhérents à l’association présentant leur carte 2020
Pas de restauration cette année sur le site de l’abbaye.
Nous vous invitons donc à réserver dans les restaurants du village, qui sont tous nos partenaires.
Le Bastion : 04 68 12 02 51
L’Hostellerie des Corbières : 04 68 43 15 22
Le 1900 : 04 68 12 17 67
La Cocote fêlée : 04 68 75 90 54
Le Café de la Promenade : 04 68 43 15 89
La Petite Maison : 04 68 91 34 09
Le Coupa Talen : 04 68 43 19 36
L’Entrepôte : 04 68 43 16 59
Le Temps des Courges : 04 68 32 33 32
Casses-croûtes chez Zivelli (charcuteries-fromages, 04 68 49 58 70) et au Récantou (tapas-glaces, 04 68 49 94 73)
PROGRAMME
mercredi 5 août
midi sous le pont : Brut de poésie, Jacques Bonnaffé
Jacques Bonnaffé est comédien et metteur en scène. Il est originaire du Nord, et fidèle à notre Sud, qu’il fréquente amoureusement depuis des années. Mais son pays, territoire de coeur et de raison, c’est la poésie, qu’il sert avec une liberté et une fantaisie uniques. Sous le pont, les pieds dans l’eau – ou pas – il fait bondir les mots, leur musique, leurs images. Un vrai cinéma.

Sous le pont neuf, Jacques Bonnaffé et ses poèmes.
18h à l’abbaye : Manila Dream, Romain Bertrand
Pendant trois jours, l’historien Romain Bertrand, qui l’an dernier nous tint en haleine avec le prodigieux voyage presque achevé de Magellan autour du monde (Qui a fait le tour de quoi ? L’affaire Magellan, Verdier 2020) vient nous raconter le procès que le Gouverneur des Îles du Ponant, Francisco de Sande, tint à Manille à la fin du seizième siècle dans une bien incroyable affaire.
Romain Bertrand est historien. Il est directeur de recherche au Centre de recherches internationales (CERI, Sciences Po-CNRS). Spécialiste de l’Indonésie moderne et contemporaine et d’histoire globale, il a consacré de nombreux travaux à la question des dominations coloniales européennes en Asie du Sud-Est.
22h à l’abbaye : Soirée oiseaux. Attachés à ce qui tombe, Marielle Macé
Marielle Macé fait partie de ceux qui, pendant le confinement, ont été attentifs à ces chants d’oiseaux que l’on redécouvrait, au milieu des silences de la ville. Des fois, ça fait réfléchir.
Chercheuse et écrivain, Marielle Macé est l’auteur, chez Verdier, de Sidérer, considérer. Migrants en France (2017), et de Nos Cabanes (2019). Ses livres prennent la littérature pour alliée dans une réflexion critique sur nos formes de vie.
jeudi 6 août
midi sous le pont : Brut de poésie, Jacques Bonnaffé
18h à l’abbaye : Manila Dream, Romain Bertrand
22h à l’abbaye : Dialogues, Nastassja Martin
Son livre, Croire aux fauves, paru en octobre 2019 aux éditions Verticales, a été un des événements de la dernière rentrée. Elle y raconte son aventure, à la fin du mois d’août 2015, dans les montagnes du Kamtchatka. Sa rencontre avec un ours, et la lutte dramatique qui s’ensuivit, dans laquelle elle fut près de perdre la vie. Mais le livre est aussi le récit des failles et des doutes sur la place de chacun dans ce monde, hommes et bêtes, corps et esprits. Une interrogation profonde et forte, qui a connu une nouvelle résonance dans la crise sanitaire que le monde vient de traverser.
Nastassja Martin est anthropologue, diplômée de l’EHESS et spécialiste des populations arctiques. Elle est l’auteure d’un essai, Les Âmes sauvages. Face à l’occident, la résistance d’un peuple d’Alaska, publié à La Découverte en 2016.