Des jours et des nuits à Lagrasse

À la télévision, dans les journaux, notre village de Lagrasse fait l’objet, en ce début d’hiver, d’un intérêt certain. Reportages, interviews, un peu comme au bon vieux temps de la fin des années quatre-vingt-dix, quand le Banquet du Livre, organisé dans la partie publique de l’abbaye de Lagrasse, première manifestation littéraire et philosophique d’une telle importance surgissait dans les médias, au journal de 20 heures de TF1 ou dans les colonnes des grands quotidiens nationaux.

 

Le prétexte, cette fois-ci, est un livre qui vient de paraître (Trois jours et trois nuits, Fayard-Julliard), rassemblant les textes de quatorze écrivains qui, du printemps à l’automne de cette année 2021, sont venus passer quelques heures entre les murs de la partie privée de l’abbaye de Lagrasse, à l’invitation d’une communauté traditionaliste, les chanoines de la mère de Dieu, installés ici depuis 2004. Quelques mois après la création, en juin 2021, d’un établissement public de coopération culturelle (EPCC) par le Département de l’Aude, la Région Occitanie, la mairie de Lagrasse et la Communauté de communes dans la partie publique de l’abbaye, la parution de ce recueil n’est-elle due qu’à un simple hasard de calendrier ? Alors même que depuis trois ans La Maison du Banquet et des générations accueille des résidences partagées d’écrivains et que l’EPCC s’apprête à transformer l’essai d’un quart de siècle de rencontres culturelles, littéraires et philosophiques, le mimétisme confine à la réplique.

La lecture du livre, comme des divers reportages, renseigne sur l’objectif visé par ses auteurs, sinon ses commanditaires : conforter le récit choisi depuis plusieurs années par la communauté des chanoines – chromo fantasmé de pureté et de sacrifice – pour attirer les fonds de généreux donateurs.

Depuis longtemps, les méthodes et le positionnement idéologique de la communauté traditionnaliste inquiètent, et sont remis en cause par bon nombre d’habitants de Lagrasse, et jusque dans la communauté catholique de la région : il y a plusieurs mois, de nombreux prêtres du diocèse avaient fait savoir dans une lettre de mise en garde adressée à leur évêque, leur inquiétude sur l’attitude des chanoines.[1]

Ce livre est un instrument de propagande qui utilise les clés et les méthodes les plus éculées du marketing, en vendant l’image sainte du retrait du monde en prière. Mais il y a en œuvre, derrière tout ça, une volonté de se mêler des affaires publiques, et une pensée du monde bien dans l’air du temps : les chanoines sont tout sauf retirés du monde, et ils accueillent dans leur partie d’abbaye ce que la France compte de défenseurs de la droite extrême, fascinés par un retour à la tradition et à l’ordre ancien. Ce n’est sûrement pas un hasard si Robert Ménard et sa famille viennent ici faire de fréquentes retraites.

[1] https://www.lindependant.fr/2017/03/02/aude-les-chanoines-de-lagrasse-inquietent-les-pretres-du-narbonnais,2294047.php

 

Un projet de reconquête

Le projet des chanoines de Lagrasse est un projet politique. Comme pour cette droite extrême qui les soutient, c’est d’abord une reconquête idéologique, en s’opposant à toutes les avancées sociétales, et en prônant un modèle basé sur celui de la famille chrétienne traditionnelle. Les chanoines ont soutenu les manifestations contre le mariage pour tous, ils organisent de nombreuses retraites de « préparation au mariage chrétien », et ils accueillent chaque été tout ce que la jeune fachosphère catholique compte de groupuscules plus ou moins établis.

Devant les touristes qui visitent le monument, ils défendent une lecture très orientée de l’abbaye et de son histoire.

Mais pour eux, la reconquête, c’est aussi, plus pragmatiquement, celle de l’ensemble du bâtiment. L’abbaye est séparée en deux depuis la Révolution, et les chanoines ne le cachent pas : à terme, leur projet est bien de récupérer l’ensemble du monument, et d’en déloger le Centre culturel de rencontres qui occupe la partie publique. C’est dans cette optique qu’ils entretiennent une tension calculée avec les initiatives de la Maison du Banquet et des générations.

 

Une histoire réécrite.

L’histoire de l’abbaye n’a pas grand-chose à voir avec le chromo un peu niais qui circule le plus souvent. Imprimez la légende, il en restera toujours le principal. La légende, c’est celle de Philoména, ou l’arrivée de Charlemagne sur son cheval, en lutte contre les Sarazins, et qui se retrouve à Lagrasse.

L’abbaye a été créée au VIIIème siècle. Elle devient peu à peu l’une des abbayes bénédictines les plus puissantes du Languedoc. La Croisade contre les Albigeois, la captation des donations par les ordres cistercien et templier affaiblissent son influence. Mais à partir de 1279, l’abbé Auger de Gogenx lui redonne tout son lustre. A la fin du XVIème siècle, les moines, fils de la petite noblesse locale, ne respectent plus la règle. En 1662 ils refusent l’autorité de la Congrégation Mauriste, chargée de réformer l’abbaye. Mais les mauristes s’imposent, et dirigent l’abbaye jusqu’à la Révolution.

L’abbaye est vendue comme bien national en 1796. Coupée en deux lots, comme on faisait alors pour les biens d’une telle importance, elle est vendue aux enchères. La famille Berlioz se rend acquéreur de la petite partie, les familles Sarrail puis Gout de Bize achètent la grande.

Cette grande partie, qui avait servi d’hôpital militaire de 1793 à 1795, est transformée en fermage et en casernement de gendarmes de 1822 à 1880.

En 1894, quatre religieuses de la congrégation des filles de Notre-Dame des Sept Douleurs s’y installent. Après deux ans de travaux, une maison de retraite y est inaugurée et une cérémonie marque la réouverture de l’église au culte en présence de l’évêque de Carcassonne.

Le 23 juillet 1923, l’abbaye fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques. Les premières campagnes de restauration commencent en 1932 et deux tentatives de retour à la vie religieuse sont faites mais ne perdurent pas.

Faute de vocations, l’hospice des religieuses à Lagrasse ferme en 1976.

En 1979, la Communauté de la Théophanie, proche de celle de Lanza del Vasto, rachète la grande partie. Elle réalise d’importants travaux d’aménagement. De nombreuses familles s’installent au village et font repartir l’école. Mais l’association est dissoute en 1991 et l’abbaye mise en vente.

Après quatre années d’abandon, et de vains projets de rachat de la part des collectivités locales, un entrepreneur allemand, Hans Pregizer, rachète les bâtiments en 1995 pour y installer un centre de médecines douces. Il entreprend, sous la direction des monuments historiques, d’importants travaux de réhabilitation. Toutes les cloisons érigées au fil des siècles sont abattues et laissent à nouveau apparaître l’architecture d’origine au sein du palais abbatial. Parallèlement, l’étude préalable réalisée avec la DRAC est l’occasion d’un travail de relevé sans précédent qui permet d’examiner pour la première fois la vue d’ensemble du monument et pose les bases d’un plan de restauration. Mais, accusé de cavalerie financière, Pregizer est arrêté en Allemagne et passe plusieurs années en prison. Ses deux enfants habitent l’abbaye, sans pouvoir relancer le projet. Finalement, en 2004, ils vendent leurs parts de la SCI à la communauté des Chanoines de la mère de Dieu, une communauté catholique traditionaliste installée jusque-là à Gap, en haute-Provence.

Pendant ce temps, l’autre partie est restée laïque depuis la Révolution. Offerte par la famille Berlioz aux œuvres sociales des médaillés militaires, elle abrite un orphelinat, puis une colonie de vacances. La mairie de Lagrasse, puis la communauté des communes et le département de l’Aude, deviennent successivement propriétaires, et installent dans une partie des locaux l’association le Marque-Page qui, depuis 1995, y organise des manifestations culturelles et philosophiques.

 

 

Le grand relèvement

Le Grand Relèvement, c’est le nom que donnent les chanoines au plan de travaux annoncé pour les années à venir, et qu’ils doivent financer par la générosité de leurs mécènes.

Depuis 2004, date de leur arrivée dans l’abbaye de Lagrasse, les Chanoines de la mère de Dieu défendent l’idée que l’abbaye était à l’abandon, et que depuis, ils la restaurent. Sur leur site, on peut lire, « 2004 : Les Chanoines Réguliers de la Mère de Dieu font renaître l’Abbaye. » On l’a vu, les travaux importants ont débuté plusieurs années avant. De plus, on est loin des chanoines-maçons qui remontent les murs : c’est grâce aux campagnes d’appel aux dons auprès d’un public très privilégié, que l’argent de nombreux soutiens, entreprises et particuliers, permet d’engager des entreprises spécialisées qui mènent les chantiers. Les chanoines, eux, ne font rien. Ils ne mentent même presque pas, ils laissent ça aux autres, comme par exemple Frantz Olivier Giesbert, le dimanche 28 novembre sur France 2, qui racontait ainsi leur soi-disant installation à Lagrasse :

« Ils se lancent alors dans un truc de fou ! Ils prennent une abbaye qui est en train de mourir, qui s’écroule de tous les côtés, ils vont remonter ça eux-mêmes avec des copains, ils vont faire la vaisselle dans la baignoire, les toilettes sont toujours bouchées… »

De la même manière, lorsqu’en 2019, les deux parties de l’abbaye reçoivent une aide de la mission du patrimoine, à travers le Loto mis en place par Stéphane Bern, les chanoines communiquent pour imposer l’idée que ce sont eux, et leur partie privée, qui ont « gagné » ce concours.

« Jésus a vaincu la mort. Courage ! ».  Banderole installée par les chanoines pendant le premier confinement sur la tour de l’abbaye en travaux…

 

L’attentat

Les relations avec la partie publique – collectivités locales et association Le Marque-Page – se sont dégradées trois ans après leur arrivée. Les Chanoines ont pris l’habitude d’accueillir, pendant l’été, des groupes de scouts d’extrême droite, et Lagrasse devient un rendez-vous discret des milieux intégristes à la droite extrême de l’église catholique.

Pendant cet été 2007, le Banquet accueille Pascal Quignard pour La Nuit sexuelle, le livre qu’il s’apprête à publier à la rentrée suivante. Pierre Bergounioux, Annie Ernaux, Alain Fleischer, Thomas Jonigk, Jean-Yves Masson, Catherine Millet, Jean-Claude Milner et Antoine Volodine l’accompagnent. Dans la nuit du 8 au 9 août, un attentat détruit une grande partie de la librairie du Banquet : un mélange d’huile de vidange et de gasoil est répandu sur les livres exposés.

Au matin du 9 août, alors qu’il va porter aux chanoines le communiqué de presse que l’association vient de diffuser, le président du Marque-Page croise trois jeunes hommes, visage fermé, sac au dos, qui s’engouffrent en silence dans un monospace conduit par un chanoine, et se lancent sur la route de Carcassonne. Ces « témoins privilégiés », un gendarme de la brigade de Trèbes arrivée en premier sur les lieux les aura croisés quelques minutes plus tôt au fond de la grande cour de l’abbaye. Il les a appelés pour les interroger, mais ils ont disparu dans les bâtiments.

Le communiqué publié deux semaines plus tard par le Marque-Page résume parfaitement tout ce qui s’est passé :

Depuis 1995, l’association Le Marque Page organise chaque été à Lagrasse, une manifestation littéraire et philosophique, Le Banquet du Livre.

Pour cette édition 2007, nous avons voulu interroger l’œuvre de l’écrivain Pascal Quignard, Prix Goncourt 2002, et plus particulièrement son dernier ouvrage, à paraître au mois d’octobre (Flammarion), La Nuit sexuelle.

La rumeur d’Internet

Ce titre de La Nuit sexuelle a bientôt provoqué quelques commentaires. Sur des sites internet proches des catholiques traditionnalistes, le rapprochement entre le titre de la manifestation et le fait qu’une partie se déroule « dans une abbaye » a donné lieu à toutes sortes de délires. Sur ces forums, on commentait « la provocation », tout en se donnant rendez-vous à Lagrasse…

Ces réactions sont malheureusement caricaturales d’un certain usage d’internet : une soi-disant information circule, reprise en boule de neige par d’autres internautes, et personne, à aucun moment, n’en vérifie la pertinence et la véracité.Ainsi de La Nuit sexuelle, l’ouvrage à paraître de Pascal Quignard, autour duquel la programmation de ce Banquet 2007 a été bâtie : il aurait suffi aux agitateurs d’âmes de se renseigner pour se rendre compte que ce livre n’a rien de pornographique ou de provocateur, mais que c’est un essai savant qui interroge les représentations de l’érotisme et de la sexualité dans les arts. L’œuvre de Pascal Quignard tout entière aurait dû leur suggérer que nous étions là sur un tout autre terrain : « Je n’étais pas là la nuit où j’ai été conçu. Une image manque dans l’âme. On appelle cette image qui manque « l’origine ». Je cherche à faire un pas de plus vers la source de l’effroi que les hommes ressentent quand ils songent à ce qu’ils furent avant que leur corps projette une ombre dans ce monde. Si derrière la fascination, il y a l’image qui manque, derrière l’image qui manque, il y a encore quelque chose : la nuit. » (Pascal Quignard)
Ainsi de l’abbaye dans laquelle se déroule le Banquet. En s’informant davantage, ces guetteurs de la décadence se seraient rendu compte que la partie de « l’abbaye » dans laquelle se déroulent les rencontres est publique et laïque depuis 1789, et qu’aucune des salles ou des cours utilisées n’a jamais, à aucun moment, été consacrée à des fins religieuses. Il ne s’agit pas, comme on peut le voir ailleurs, d’une ancienne église ou d’une ancienne chapelle désacralisée, mais de l’ancien dortoir, du réfectoire et de la boulangerie, transformés depuis des décennies en salles de spectacles et de rencontres.

Un haut lieu de la Chrétienté

Mais les braises d’internet circulent sans conscience. Le 26 juin, le site unitas.fr (« un réseau de chrétiens engagés ») dénonce : « Sans doute furieux que l’Abbaye de Lagrasse ait récemment retrouvé sa vocation d’origine depuis l’arrivée des moines de l’Opus Mariae, l’association Marque-Page a décidé, sous l’impulsion de Pascal Quignard, de relancer après 4 ans d’interruption, le tristement célèbre Banquet du livre. Thème choisi : La Nuit sexuelle ! Ce haut lieu de la Chrétienté, fondé par Charlemagne, a été coupé en deux depuis la révolution française. Séparation qui perdure encore aujourd’hui et qui verra donc, dans la partie non occupée par les abbés, la fine fleur des esprits tordus se réunir pour célébrer, une semaine durant, cette Nuit sexuelle qu’ils imaginent sans doute porteuse de quelque puissances occultes. » Le site donne ensuite l’adresse du président du Marque Page et incite ses lecteurs à lui écrire pour protester. Aucune lettre n’arrivera…

Une semaine plus tard, une journaliste du Figaro, Sophie de Ravinel, « enquête » par téléphone. L’angle qu’elle a choisi pour son article, et auquel elle s’accroche malgré les dénégations des uns et des autres, est simple et clair : la polémique enfle entre les chanoines, les organisateurs du Banquet et le Conseil général, propriétaire des lieux. « Des habitants du village » seraient venus se plaindre aux chanoines du thème de la manifestation, et plus précisément du programme des projections de cinéma (le cycle de cinéma, dont le programme a été établi par Pascal Quignard, propose un choix de grands classiques du cinéma d’auteur illustrant ce thème de la représentation de la sexualité dans le septième art). La journaliste, à qui nous expliquons plusieurs fois qu’elle fait fausse route, s’excuse en riant : « Vous savez, nous les journalistes, il nous faut des histoires un peu croustillantes… » Le 4 août, son article paraît : « La polémique fait rage dans ce joyau du pays cathare, propriété du conseil général de l’Aude et de chanoines traditionalistes, à l’occasion d’une manifestation littéraire organisée par le département, qui veut récupérer les lieux. »

À la suite de cet article de combat, cinq mails de protestation arrivent dans la boite aux lettres du Conseil Général.

À aucun moment les chanoines, qui occupent la partie privée de l’abbaye, et avec lesquels nous entretenons des relations cordiales, n’ont manifesté auprès de nous la moindre réserve quant à la manifestation ou au thème de cette année.

Le vendredi 3 août à 10 heures, la grande librairie du Banquet de Lagrasse, organisée par notre partenaire Ombres Blanches à Toulouse, ouvre ses portes, donnant le coup d’envoi de ce dixième rendez-vous. Plus de douze mille livres se répartissent entre les rayons de littérature générale, de philosophie et sciences humaines, d’histoire, de poésie ou d’ouvrages pour la jeunesse. Cette librairie, qui est depuis l’origine un des piliers du Banquet, reçoit chaque jour plus d’un millier de visiteurs.

Le samedi 4, dimanche 5, lundi 6, mardi 7 et mercredi 8 août, le Banquet se poursuit dans une atmosphère studieuse et conviviale.

Le jeudi 9 août au matin, le saccage de la librairie est découvert : dans la nuit, un ou plusieurs individus se sont introduits dans l’ancien réfectoire – vraisemblablement par une lucarne – et ont détruit plus de six mille livres, en répandant avec soin un mélange de gas-oil et d’huile de vidange.

Dans le village, l’émotion est immense.

Réunis à l’abbaye, l’ensemble des participants du Banquet, écrivains, comédiens, chercheurs, se déclare unanimement pour la poursuite de la manifestation. Seules les projections de cinéma seront interrompues pendant un jour et demi, les enquêteurs interdisant l’accès à la salle pour les besoins de l’enquête.

Toute la journée, des témoignages de solidarité affluent de France et de l’étranger, venus du monde de la littérature, du monde politique, syndical ou culturel. Le Maire de Lagrasse et le Président du Conseil Général, le sénateur Marcel Rainaud, sont présents auprès des organisateurs.

Par contre, aucun témoignage direct ne viendra de nos voisins Chanoines.
Le lendemain, les trois quotidiens régionaux font leur Une sur l’attentat : « Autodafé dans les murs de l’abbaye de Lagrasse » pour La Dépêche du Midi, « Dix mille livres saccagés à l’abbaye de Lagrasse » pour le Midi Libre, « Dix mille livres saccagés à Lagrasse » pour L’Indépendant.

L’enquête du Groupement de recherche de la gendarmerie de Carcassonne se poursuit dans le plus grand sérieux. De nombreux relevés d’empreintes, d’ADN ou des produits utilisés sont effectués sur les lieux de l’attentat.

Jusqu’au vendredi 10 août au soir, terme prévu de la manifestation, Le Banquet de Lagrasse se déroule normalement, et six cents personnes assistent à la soirée de clôture, au cours de laquelle Pascal Quignard dévoile le projet de son livre, La Nuit sexuelle.

S’ouvre alors le temps des assurances. Celle des organisateurs fait savoir qu’a priori, elle ne couvre pas les actes de vandalisme. Mais elle diligente un responsable qui ouvre un dossier. Celle du libraire qu’elle ne couvre pas les dommages subis hors du magasin toulousain. Celle du Conseil Général, propriétaire des lieux, qu’elle ne couvre que les manifestations dont le Conseil Général est lui-même l’organisateur. Les 70 000 euros de dégâts évalués restent pour l’heure à la charge de l’association organisatrice, Le Marque Page.

Jeudi 16 août, une information judiciaire est ouverte. Au même moment, sur leur site, les « chrétiens engagés » d’Unitas font paraître un communiqué : « Suite à la parution de deux articles (l’un dans le quotidien Libération du 13 août, et l’autre dans le magazine Le Point du 16 août), l’association Unitas dément toute forme de participation aux actes de vandalisme commis dans la nuit du 8 au 9 août en réaction au festival « la Nuit sexuelle » organisé à l’Abbaye de Lagrasse (Aude) par l’association Marque-Page. Unitas condamne de tels agissements, incompatibles avec les exigences de la foi chrétienne. »

Vendredi 17 août, la Ministre de la Culture, Christine Albanel, se déclare « profondément choquée » par l’attentat, et « très attentive à cette affaire ». Christine Albanel se félicite de l’ouverture d’une information judiciaire et « souhaite que l’enquête permette rapidement de sanctionner les auteurs de cet acte scandaleux ».

Mercredi 22 août, les premières auditions sous-commission rogatoire commencent à Carcassonne. 

Les organisateurs du Banquet de Lagrasse remercient tous ceux, très nombreux, qui, sous diverses formes, leur ont apporté leur soutien, et manifesté leur solidarité.

Le Marque Page

 

Une plainte avec constitution de partie civile est déposée conjointement par le Banquet du livre et la librairie Ombres Blanches. L’enquête, débutée de façon très sérieuse par la gendarmerie, qui entend de nombreux témoins, et établit la présence sur place, dans les jours qui ont précédé l’attentat, d’un groupe de scouts d’Europe, est brusquement interrompue. Quelques mois plus tard, à la grande surprise des plaignants, elle est classée sans suite. Après le soutien des pouvoirs publics au plus haut niveau, personne ne comprend que les auditions soient interrompues, et que la gendarmerie ait manifestement reçu des consignes de « discrétion ». Une partie de l’explication viendra rapidement. En mars 2009, Bernard Lemaire, le Préfet de l’Aude qui a ralenti et éteint l’enquête, meurt après un coma de plusieurs mois consécutif à une chute de ski. Ses obsèques sont concélébrées par Emmanuel-Marie de Saint-Jean, abbé de Lagrasse. « Bernard Lemaire était en effet proche des chanoines établis à Lagrasse » relève alors la presse.

Ce souvenir cuisant – plusieurs milliers de livres détruits – ainsi que la trahison d’un représentant de la République, tout cela reste présent dans la mémoire du village. Dans son texte, Frédéric Beigbeder raconte ainsi comment il se fait prendre à partie par une habitante de Lagrasse « qui n’aimait pas les chanoines intégristes. Elle leur reprochait d’avoir arrosé d’huile de vidange des livres lors d’un colloque sur La Nuit sexuelle de Pascal Quignard en 2007. Cet incident semble avoir tendu les relations entre la congrégation religieuse et la librairie attaquée, Le Banquet, qui est installée dans une aile de l’abbaye, entièrement laïque. On se croirait dans Don Camillo, avec le curé qui se querelle en permanence avec Peppone, le maire communiste. Les chanoines à qui j’ai posé́ la question sont outragés qu’on puisse les imaginer coupables d’un geste aussi violemment stupide, mais il est possible que des grenouilles de bénitier, des boy-scouts fanatisés ou autres ouailles puritaines aient voulu faire du zèle. »

Les chanoines et le village

La stratégie de reconquête, idéologique et de territoire, passe aussi par le village.

À priori, les lagrassiens n’ont pas d’hostilité particulière à l’égard des religieux. Et ils ne considèrent pas que l’abbaye leur appartient. Ils aimeraient juste qu’on les respecte, et que l’offensive, qui se traduit également par l’achat de nombreuses maisons par des familles et des familiers des chanoines ne se traduisent pas par une flambée du marché immobilier local.

Le dimanche après-midi, sur le terrain de rugby de Lagrasse, on peut assister à l’étrange spectacle de quelques chanoines en soutane courant après un ballon de football. Ostensiblement, ils mettent en scène autour du sport une complicité bienvenue avec certains jeunes demandeurs d’asile, hébergés dans un centre d’accueil au milieu du village, et qui, comme leurs partenaires en soutane, trouvent là un des seuls moments de légèreté et de défoulement de la semaine. Ce n’est pas ce moment-là qui pose problème. Après tout, cela fait même partie du volet « social » de leur apostolat.

Ce qui pose problème, c’est sûrement la manière dont ils l’instrumentalisent. L’image est cool. Efficace. D’ailleurs, elle l’est aussi pour quelques lagrassiens, installés depuis peu, qui cherchent à vivre du tourisme et des commerces d’opportunité. Pour tous ceux-là, le chromo du moine en soutane qui traverse le village et court sur un terrain de sport convient parfaitement. Un « plus » d’authenticité au label « plus beau village de France ».

Le pire est ailleurs. Les chanoines, issus de familles traditionalistes qui se recrutent le plus souvent dans la haute-bourgeoisie d’épée ou d’industrie, masquent bien mal le profond mépris de classe, la morgue sociale qu’ils manifestent à qui n’est pas des leurs, un surplomb qui s’exprima de façon spectaculaire pendant la pandémie, dans leur refus d’appliquer les règles élémentaires.

« Le vaccin ? Pas le temps… avec les travaux, les messes, les fidèles… » s’exclame le père Louis Marie, cité par Jean-Paul Enthoven dans le livre. Mais la question n’est pas de trouver le temps pour aller se faire vacciner (!). Pendant la période des confinements, l’abbaye est restée ouverte, et lorsque les cultes ont à nouveau été autorisés avec des jauges strictes, de nombreux rassemblements, sans règles ni masques, ont été organisés par les chanoines, qui défendaient auprès de leurs ouailles l’absence de masques et de précautions particulières. [1]

Au point que la gendarmerie de Lagrasse a dû intervenir à plusieurs reprises.

Revenir en arrière vers un pays fantasmé, qui n’a jamais existé. Discuter, d’une manière ou d’une autre, la prééminence des lois de la République. Ne pas se plier aux règles communes.

On retrouve chez les chanoines tous ces marqueurs de la nouvelle extrême-droite, qui triomphe en ce moment sur tous les fronts, politiques et culturels.

 

Un livre doit être ouvert ou fermé

Des écrivains à Lagrasse. C’est donc le titre de l’offensive de communication de cet hiver 2021. Elle prend la forme d’un livre – c’est de bonne guerre ! – confié à une poignée d’écrivains soigneusement choisis. L’équilibre est parfait, entre un « fond de sauce » à l’ancienne, lourd et crémeux, des journalistes influents à droite, deux jet-setters et un écrivain voyageur membre du conseil d’administration d’un fabricant de montres russes…

Pendant trois jours et trois nuits (rendez-vous compte, quelle aventure !) « les voilà projetés dans un cadre nouveau, improbable, acceptant soit le décalage avec les horaires parisiens, soit d’écoper peut-être d’un mauvais lit ou de quelques repas frugaux. »1, ces invités vont, chacun à leur tour, « partager la vie des frères ». Même si l’on en croisa certains plus souvent au bistrot du village qu’aux complies ou aux laudes des augustiniens de l’abbaye.

Il est intéressant de se pencher sur leurs écrits. Car les journalistes qui rendent compte du livre ne semblent pas l’avoir lu, soulignant plus l’originalité du contexte que les idées qui ressortent de ce compagnonnage.

Il faut dire qu’un des signataires, Franz-Olivier Giesbert, assène dans son texte quelques coups de matraques préventifs qui en feront reculer plus d’un : « À défaut, je pourrais vous faire un pastiche de l’article que ne manquera pas d’écrire, un jour, quand l’histoire de Lagrasse sera remontée jusqu’à Paris, le journaliste du Monde ou de tout autre média bien-pensant ne reconnaissant aucun droit aux catholiques, même pas celui d’exister : tremblez, bonnes gens, les traditionalistes sont de retour, ils ont revêtu les habits des augustins. Leurs couteaux ne sont pas entre les dents, mais sous leur robe blanche, pour égorger les mécréants sous les arcades de leur cloître. Aux yeux de ces nouveaux inquisiteurs, folliculaires de supérette, tout est politique, même la foi dès lors qu’elle est chrétienne : il y a toujours un militant qui sommeille sous le croyant, un facho sous le catho – la preuve, ça rime. Pour corser la chose, seront peut-être évoquées – c’est un réflexe de Pavlov chez cette engeance – les ombres de l’Opus Dei, de l’extrême droite. Les farceurs ! »

On appelle ça un contrefeu. C’est que l’enjeu est de taille. Car il est question, à travers ce livre et la campagne médiatique qui accompagne sa sortie, d’enfoncer un certain nombre de clous. Et d’abord de conforter la fable originale : les chanoines se sont installés dans une abbaye en ruine (« Ce monastère qui avait perdu ses toitures et ses plafonds avant que la communauté ne s’y installe voici une quinzaine d’années. »[2]), qu’ils ont reconstruite à force de sacrifices et d’engagement, transformant le monument et, à y être, le village qui va avec.

Des « travaux de restauration qui vivifient tout le village et multiplient les échanges avec les habitants. La rénovation des bâtiments a littéralement ressuscité ce petit bourg endormi. »2 Franz-Olivier Giesbert fait même dire à un chanoine : « Depuis notre arrivée, plusieurs restaurants se sont ouverts, ainsi que des gîtes, des chambres d’hôtes. À la belle saison, ils sont aussi pleins que nos messes du dimanche ! »[3]

Lorsque les chanoines ont racheté l’abbaye, les travaux de réfection, menés par la Drac et par l’ancien propriétaire, avaient déjà commencés depuis plusieurs années. Quant au petit bourg endormi, il appréciera : on n’a pas attendu 2004 pour qu’un tourisme culturel très important, basé sur la tenue de nombreux festivals, anime le village et le transforme.

Mais ne chipotons pas trop, on pourrait nous le reprocher : « La région est volontiers frondeuse et anticléricale. L’Église a presque disparu. En demeurant près des plus pauvres, les chanoines ont fini par s’imposer. »[4]

C’est cette idée que défend la deuxième image pieuse distillée dans le livre : à force de sacrifices, les chanoines ont réussi à gagner les cœurs de cette terre frondeuse qui résiste à tout, aux vents comme aux ordres constitués. Et cette place, ici et maintenant, ils ne la doivent pas qu’à eux et à leurs généreux donateurs :

« Si c’est Dieu qui nous chasse, nous ne reviendrons pas ; mais si c’est l’homme, alors nous reviendrons » répond, à la Révolution, un moine de Lagrasse que l’on expulse.

Les moines soldats des Corbières, bâtissent donc ici une oasis pour résister à la folie du monde. Et l’objectif n’est pas de s’y cacher, mais d’en faire un poste avancé pour la reconquête. En attendant, on sert les humbles et l’on s’oublie dans la prière.

« On n’entre pas dans la grâce par la raison, disent-ils, mais par le suspens de la raison. »[5]

Pour croire, c’est semble-t-il la règle ici, il ne faut pas trop penser. D’ailleurs, « Pour convaincantes qu’elles soient, les philosophies n’apportent pas grand-chose. Des codes de conduite, peut-être ? Ce sont des palliatifs dont on mesure vite l’inanité. Elles ne sont en vérité que des sujets de débats entre gens intelligents et vifs, maitrisant l’art de la repartie, et une façon pour eux de s’étiqueter les uns par rapport aux autres et de s’éloigner d’autant du peuple, cette énergie vivante qui sourd de la terre. »[6]

Humilité et silence, donc. Les écrivains invités, eux, n’hésitent pas à ferrailler à leur place. Vicaires et sicaires. Les hommes de plume se transforment en hommes de main, et tapent fort. On ignore si les chanoines partagent ces idées.

« Ici, dans cette pièce où nous partageons ce repas muet, se tiennent les derniers des héros. Les seuls braves d’une civilisation mourante, empoisonnée par l’ego et l’hédonisme marchand. »[7]

 « Personne ne m’a jamais entretenu de Virgile dans la voiture-bar ou dans l’un de ces insupportables « Club Quatre » dans lesquels on ne manque jamais d’être relégué par la SNCF, entre un voisin qui regarde une série sur un écran, un autre qui téléphone et celui d’en face qui sort son paquet de chips. »[8]

On l’a dit, les écrivains qui ont accepté de servir cette messe viennent d’horizons différents. Mais ils ont en commun de beaucoup s’aimer, et de détester le monde.

Ils parlent surtout d’eux. Et leurs fantasmes surgissent au milieu de leurs récits, comme un vieux sanglier sur un chemin de vigne : « Les Maghrébins n’osent pas entrer dans l’abbaye de peur d’être dénoncés par leurs voisins, même si des conversions de musulmans ont lieu, dans la discrétion la plus absolue. »[9]

Jean-René van der Plaetsen, un ancien militaire qui dirige aujourd’hui la rédaction du Figaro Magazine, et qui dans ses bagages, amena Michel Onfray à Lagrasse (on aimerait d’ailleurs savoir pourquoi ce dernier n’a finalement pas publié de texte), file d’un bout à l’autre de son texte la métaphore militaire. Les soldats de Dieu, ou des hommes, partagent « une vie passée à attendre et à prier, ou à se préparer à combattre et à mourir. »

« Devant l’autel, nous tournant le dos, le père qui officie prononce la messe en latin, le corps et le regard orientés vers la lumière du levant. Les chanoines, arborant surplis et camail, lui répondent en chantant, la plupart du temps recto tono, parfois en canon, ou encore en chœurs polyphoniques. Je songe à la réflexion d’un de mes amis, ancien chef d’état-major de l’armée de terre, qui fut chef de corps du 8e RPIMA (régiment parachutiste d’infanterie de marine) : « Le chant est primordial dans la vie d’un soldat. On chante à plusieurs, le soir au bivouac, ou pour se donner du courage avant de monter à l’assaut. On chante aussi dans son for intérieur, lorsque l’on monte la garde par exemple, afin de se sentir moins seul. Tels des soldats de Dieu, les chanoines chantent tout au long de la journée, ceints de leurs vêtements d’un blanc immaculé, à la façon des méharistes, des spahis, ou des artilleurs de la Coloniale, lorsqu’ils déambulaient en tenue de parade dans les rues de Cholon et de Saïgon après la si difficile conquête de l’Indochine. Tous vêtus à la même enseigne : c’est l’égalité́ par l’uniforme ou par la robe de bure. »[10]

On ne s’étonnera pas que Vatican II soit ici très mal vu. Invités par les traditionalistes, les écrivains s’adaptent, avec plus ou moins de finesse :

« Vatican II a répandu le wokisme et la cancel culture dans le monde occidental »[11]

« Comme s’il s’accommodait du déclin du christianisme, le pape François ne se départ jamais d’une superbe indifférence, l’autre nom de la sagesse, quand ce n’est pas celui de l’indolence ou du cynisme. Avec son christianisme prudent, voire chattemite, il ressemble à ces politiciens qui marchent sur des œufs et dont l’obsession, contrairement aux hommes d’État, est d’avoir de bons articles dans les journaux. » et d’ajouter : « L’aventure des augustins de l’Aude montre que rien n’est jamais perdu, que le christianisme peut encore redresser la tête et réveiller nos consciences fatiguées. »[12]

Au bout du troisième jour, en général, le plus dur est fait. Et le ton devient martial :

« Frères chrétiens, réveillez-vous ! Vous n’êtes pas le paillasson sur lequel les extrémistes de notre pays peuvent venir s’essuyer les pieds. »[13]

 « Quelque part sur cette terre dévastée, des brandons encore chauds couvent sous la cendre, par nos soins ils pourraient s’enflammer de nouveau et venir porter notre humanité à incandescence, telle que nous la reçûmes de Dieu. Nous avons au moins ce devoir, pauvres horribles petits pécheurs que nous sommes, souffler sur les braises et prier que le feu prenne et embrasse tout. »[14]

 « L’immense expulsion de la haine, la cataracte de foutre et de sang qui s’appelle l’Histoire n’a aucune importance. Le temps va ramener l’ordre des anciens jours, a écrit Nerval. Phrase auguste. Patience, frères humains ! »[15]

Pourtant, saluons leur courage, il y a au moins un point sur lequel les écrivains-servants sont intraitablement critiques : le vin servi à l’abbaye – râpeux (van der Plaetsen), dégueulasse (Beigbeder) – laisse vraiment à désirer. Pour le reste, tout est parfait.

Au final, tout cela donne un livre qui, le plus souvent, tombe des mains. Qu’il soit permis ici de mettre à part le texte de Simon Liberati, curieusement plus complexe, et assez beau. Son analyse rêvée du Christ mort est une réussite. Mises à part ces vingt pages, on est affligé par ces textes paresseux. Par la banalité des images convoquées. Combien de fois les chants s’élèvent-ils comme des volutes d’encens ? Combien de fois le temps se suspend et pourtant passe plus vite ? La théologie comme « sous-ensemble de la poésie » n’empêche manifestement pas les commentaires plus ou moins ordinaires sur Augustin, l’inspirateur des chanoines (« Augustin illustre avec génie les atermoiements spirituels auxquels tout chercheur d’absolu est confronté. ») On joue avec l’esthétique vide des noms – tous égrènent comme des cailloux trouvés dans la garrigue proche celui des rendez-vous de prières du jour, complies, laudes, none, sixtes, ou celui du chant recto tono qui revient dans presque tous les textes. Des noms dont la valeur faciale poétique, aurait dit Queneau, vous dispense d’y réfléchir. Quant aux questionnements plus ou moins originaux de chacun devant ses propres doutes, quelques souvenirs d’enfance mythifiés, tout cela ne fait pas une pensée. Ni un livre.

[1] http://www.corbieres-matin.fr/index.php/a-quoi-jouent-les-chanoines-de-lagrasse/

[2] Jean-René van der Plaetsen, Les soldats de la grâce

[3] Franz-Olivier Giesbert, La résurrection

[4] Nicolas Diat, Préface

[5] Jean-Paul Enthoven, Vingt-deux allers-retours à travers l’éternité

[6] Boualem Sansal, La guerre du feu

[7] Thibault de Montaigu, La vocation

[8] Xavier Darcos, Tolle lege, tolle lege…

[9] Pascal Bruckner, Le phalanstère de Dieu

[10] Jean-René van der Plaetsen, Les soldats de la grâce

[11] Boualem Sansal, La guerre du feu

[12] Franz-Olivier Giesbert, La résurrection

[13] Pascal Bruckner, Le phalanstère de Dieu

[14] Boualem Sansal, La guerre du feu

[15] Sylvain Tesson, Dans le climat de la grâce

 

 

488 écrivains à Lagrasse

En fait, des écrivains, à Lagrasse, cela fait vingt-sept ans qu’il y en a, et ce n’est pas grâce aux chanoines !

Depuis 1995, l’association Le Marque-Page, créée autour du projet intellectuel des éditions Verdier, le faire vivre grâce à des rencontres, débats et séminaires. Elle n’a cessé d’inviter des romanciers, des philosophes, des chercheurs, poètes et penseurs français et européens. Voici le nom des quatre-cent quatre-vingt-huit écrivains qui, jusqu’ici, sont venus, tout au long de ces années, rencontrer leurs lecteurs :

Pierre Bergounioux, Michel Polac, Pierre Michon, Jean-Pierre Albert, François Bon, Pierre Dumayet, Pierre Soulages, Marie-Claire Galpérine, Benny Lévy, Pierre Lory, Nicolas-Jean Sed, Patrick Kéchichian, Claude Mesplède, Michel Chaillou, René Depestre, Henri Gougaud, Christian Lehmann, Robert Deleuse, Hervé Delouche, Roger Martin, Didier Daeninckx, Gil Jouanard, Michel Séonnet, Jean-Yves Masson, Françoise Valon, Jacques Durand, Jacques Réda, Maurice Nadeau, Pierre Di Sciullo, Christian Bruel, Cristina Anna Scherrer-Schaub, Philippe Rochette, Jean-Claude Skrela, Pierre Villepreux, Richard Dembo, Christian Jambet, Christiane Cohendy, Marc Betton, Philippe Morier-Genoud, Jean-Claude Milner, Manuel Vásquez Montalbán, Michèle Gazier, Alain Pontoppidan, Lionel Hignard, Bernard Simeone, Francesco Biamonti, Paul Fournel, les Fabulous Troubadors, Claude Marti, Alain Lercher, Robert Bourdu, Jacques Henric, Bartolomé Bennassar, Antoine Martin, François Zumbiehl, Alain Montcouquiol, Raffaele Nigro, Frédéric Pagès, Henri Cueco, Claire Doubliez, Jacques Gaillard, Hervé Le Tellier, Nicolas Philibert, Guy Lardreau, André Marcovicz, Nicole Zand, Pascal Quignard, Jean Vautrin, Alain Raybaud, Jean-Louis Fournel, Jean-Claude Zancarini, Laurence Roy, Marc Betton, Laurent Manzoni, Aline Schulman, Juan José Saer, Dominique Viart, Jean-Paul Goux, Jean Rouaud, Alain Bihr, Valérie Igounet, Philippe Videlier, Antoine de la Taille, Maïté Larrauri, Carlo Ginzburg, Ricardo Bellofiore, Ana Nuño, Pierre Lepape, Jean-Louis Comolli, Christian Caujolle, Olivier Rolin, Bernard Comment, Patrick de Marien, David Moreno, Vincent Pousson, Pierre Carles, Rémy Cazals, Georges Barthas, Jean Guilaine, Yves Charnet, Monique Tapie-Pech, Rémy Pech, Antoine Volodine, Claude Imbert, Paul Fabiani, Jean-Pierre Gérault, Gérard Zuchetto, Michèle Desbordes, Jean-Baptiste Harang, Gérard Wajcman, Claude Lanzmann, Armand Gatti, Daniel Mesguich, Claire Simon, Alain Fleischer, Alec G. Hargreaves, Sylvie Gracia, François Wahl, Francis Marmande, Bernard Banoun, Annie Ernaux, Thomas Jonigk, Catherine Millet, Rav Eliahou Abitbol, Giuseppe Conte, Eugenio De Signoribus, Jean-Pierre Lecaudey, Denis Podalydès, Martin Rueff, Tilo Schabert, Roger Planchon, Jacques Bonnaffé, Yann Potin, Patrick Boucheron, Christophe Pradeau, Mélanie Traversier, Gilles Hanus, René Lévy, Dominique Larroque-Laborde, Jean-Pierre Martin, Francesco Paolo Adorno, Gwenaëlle Aubry, Stéphane Audeguy, Maryline Desbiolles, Ivan Farron, Paul Jorion, Gérard Macé, Jean-Christophe Weber, Daniel de Roulet, Maylis de Kerangal, Agnès Desarthe, Camille de Toledo, Philippe Forest, Christian Garcin, Yannis Kiourtsakis, Ling Xi, Marielle Macé, Céline Minard, Akira Mizubayashi, Yves Ravey, Henri Rey-Flaud, Giacomo Todeschini, Marc Augé, Claude Coste, Christian Godin, Laurent Jenny, Marie-Hélène Lafon, Catherine Millot, Michel Naepels, Marc Perelman, Laurence Plazenet, Michel Schneider, Claude Arnaud, Aurélien Barrau, Marc Blanchet, Pierre Carsalade, Jocelyn Bonnerave, Nicole Caligaris, François Dominique, Alain Ehrenberg, Jean-Michel Heimon, Ginette Lavigne, Hélène Lenoir, Sylvie Lindeperg, Éric Smilévitch, Christian Sommer, Éric Vuillard, Sophie Wahnich, Pierre Assouline, Vincent Azoulay, Bruno Baronnet, Olivier Bessard-Banquy, Catherine Clément, Julien Clément, Béatrice Commengé, Leyla Dakhli, David Fauquemberg, Gregorio Ibor-Sanchez, Frédérique Ildefonse, Bernard Lahire, Souâd Ayada, Patrick Deville, Yannick Haenel, Luba Jurgenson, Julien Loiseau, Gabriel Martinez-Gros, Colette Mazabrard, Gaëlle Obiégly, Tobie Nathan, Éric Pessan, Lydie Salvayre, Alain Tarrius, Mathieu Riboulet, Michel Agier, Anne-Laure Amilhat-Szary, Patrick Autréaux, Arno Bertina, Pierre Caye, Anne Collongues, Marie Cosnay, Dov Lynch, Pascal Ory, Valérie Zenatti, Emmanuel Adely, Jean-Christophe Bailly, Jean-Baptiste Brenet, Victor Del Arbol, Jean-François Delfraissy, Thierry Hesse, Marie-José Mondzain, Jean Narboni, Mathieu Potte-Bonneville, Nathalie Quintane, Romain Bertrand, Emmanuele Coccia, Catherine Coquio, Jean-François Corty, Michal Govrin, Stéphane Habib, Kiko Herrero, Achille Mbembe, Georges Mouamar, Marie NDiaye, Bruno Pinchard, Emmanuelle Rousset, Dominique Sigaud, Sébastien Thiéry, Alban Bensa, Tanella Boni, Jacques Comets, Sophie Divry, Jean-Michel Espitallier, Daniel Franco, Alain Guiraudie, Jacob Haggaï, Laurie Laufer, Jean-Paul Michel, Georges Monti, Sophie Nordmann, Lucien Raphmaj, Serge Renko, Emmanuel Ruben, Lionel Ruffel, Tiphaine Samoyault, Marie-Caroline Saglio Yatzimirsky, SMITH, Barbara Stiegler, Jean-Philippe Uzan, Pierre Vespérini, Eva Baltasar, François Bon, Dima El Horr, Michel Jullien, Antoine Lilti, Nastassja Martin, Aurel, Estelle Chauvard, Christophe Cognet, Georges Didi-Huberman, Alice Diop, Zineb Dryef, Arnaud Esquerre, Jeanne Favret-Saada, Adrien Genoudet, Dieter Hornig, Paulin Ismard, Simon et Capucine Johannin, Léonora Miano, Laure Murat, Bibia Pavard, Serge Pey, Louise Piélat, Sylvain Prudhomme, Baptiste Roussillon, Peter Szendy, Abdelkader Djemaï, Andréa Lauterwein, Velibor Colic, Paul Audi, François Hirsch, Progreso Marin, Sylvie Caucanas, Vassili Golovanov, Léonid Guirchovitch, Vladislav Otroshenko, Vladimir Sorokine, Hélène Châtelain, Anne Coldefy-Faucard, Yvan Mignot, Sylvia Bonucci, Roberto Ferrucci, Lorenza Pieri, Giorgio Vasta, Jean-Paul Manganaro, Bernard Banoun, Jacqueline Chambon, Olivier Guez, Uta Müller, Tariq Ali, Gabriel Josipovici, Adam Thorpe, Eiliéan Ni Chuilleanain, Harry Clifton, Patrick Cotter, Jean-Michel Ganteau, Christos Chryssopoulos, Thanassis Hatzopoulos, Petros Markaris, Ersi Sotiropoulos, René Bouchet, Michel Volkovitch, Florence Belmonte, Jean-François Bourdic, Claude de Frayssinet, Michel Moner, Georges Tyras, Alfons Cervera, Cathie Barreau, Jabbour Douaihy, Iskandar Habache, Iman Humaydan, Diane Mazloum, Randa Sadaka, Hyam Yared, Maher Abi Samra, Dory Manor, Moshe Sakal, Gilles Rozier, Pierre Ducrozet, Maria Bohigas Sales, Carmen Riera, Najat El Hachmi, Mathieu Asselin, Véronique Aubouy, Jean-Louis Tripp, Adrien Genoudet, Monique Bourin, Daniel-Odon Hurel, Claire Soussen, Yves Le Pestipon, Jean-Pierre Digard, Anne-Marie Garat, Francis Wolff, Bénédicte Beaugé, Patrick Boman, Liliane Plouvier, Patrick Rambourg, Marie Rouanet, Bernard Sergent, Katy Barasc, Nicolas Brimo, Alain Freixe, Étienne Alain-Hubert, Thierry Martin-Scherrer, Alain Paire, Yves Rouquette, Jérôme Thélot, Robert Bober, David Elbaz, Marc Feld, Daniel Grojnowski, Annie Le Brun, Violaine Schwartz, Johan Faerber, Eugène Nicole, Geneviève Brisac, Olivia Rosenthal, Isabelle Serça, Julia Deck, Tristan Garcia, Ivan Jablonka, David Bosc, Laurent Mauvignier, Hélène Merlin-Kajman, Emmanuelle Pagano, Emmanuelle Pireyre, Olivier Barbarant, Valérie Rouzeau, James Sacré, Jean-Yves Laurichesse, Pierre Senges, Pierrette Fleutiaux, Diane Meur, Carole Martinez, A.S.Byatt, François Garcia, Tatiana Arfel, Christiane Amiel, Antoine Piazza, Denis Grozdanovitch, Arnaud Rykner, Léonor de Récondo, Jeanne Benameur, Kétévane Davrichewy, Pascal Dessaint, Laurent Bonneau, Océane Madelaine, Michèle Lesbre, Fanny Chiarello, Marie Didier, Anne Plantagenet, Cécile Lajdali, Valentine Goby, Jean-Jacques Salgon, Dominique Blanc, Mika Biermann, Esther Salmona, Constantin Alexandrakis, Yves Pagès, Jean-Baptiste Maudet, Mario del Curto, Grégoire Loïs, Perceval Barrier, Catherine Blondeau, Anne Pauly, Luce Rostoll, Mathilde Forget, Tiffany Tavernier, Anne Serre, Rébecca Gisler, Marc Perrenoud, Pierre-Yves Rommelaere, Jean-Paul Malrieu, Jean Maison, Florence Delay, Denise Epstein, Serge Mestre, Felipe Hernandez, Alain Monnier, Emmanuel Darley, Emmanuelle Urien, Jean Birnbaum, Jakuta Alikavazovic.

 

Patrick Boucheron et ses Conversations avec l’histoire, sous la halle du village

 

 

En 2022, le Marque-Page organisera régulièrement des rencontres de librairies autour d’un auteur dans l’actualité littéraire, deux séminaires de philosophie et d’histoire, la seconde édition du festival de cinéma documentaire Contrechamps, et un Banquet du Livre d’été, du 5 au 13 août.

À l’automne, la partie publique de l’abbaye deviendra un Centre Culturel de Rencontres, sous l’égide du Conseil Départemental, de la Région Occitanie, de la Communauté de Communes du Pays Corbières-Minervois et de la Commune de Lagrasse.

Jean-Michel Mariou

 

On lira aussi ici le témoignage de Christian Thorel, qui depuis vingt ans accompagne chaque Banquet d’été avec une incroyable librairie, réinventée chaque fois autour du thème, qui est la marque la plus vivante de notre entreprise.

Depuis Toulouse, avec ses équipes d’Ombres Blanches, il nous rejoint pour une semaine. C’était déjà le cas en 2007, lorsque l’attaque nocturne du commando d’extrémistes catholiques détruisit des milliers de livres.

Il revient dans ce texte sur cet épisode que la police et la justice avaient choisi quelques mois plus tard d’enterrer…

 

En immersion

Près de vingt étés depuis 1995, j’ai été un libraire « en immersion » à l’abbaye de Lagrasse, dans sa partie laïcisée, propriété du Département de l’Aude. Cette partie médiévale de l’abbaye, sécularisée, jouxte une partie « moderne » qui  par opposition est d’autant plus « régulière » qu’elle est occupée par une congrégation traditionaliste. Entre les premiers jours de juillet et la mi-août, la perspective du Banquet du livre et sa réalité communautaire des premiers jours d’août m’ont conduit, avec une partie de l’équipe d’Ombres blanches, à la présence d’une librairie éphémère, conçue comme une « installation » plutôt que comme une offre illustrative du thème annuel de la réputée manifestation littéraire et philosophique. Ainsi avons-nous amené à chaque édition du Banquet un ensemble de quatre mille titres, choisis dans la profondeur des catalogues des humanités, des sciences humaines et sociales, et des littératures du monde.

Lire la suite…

 

 

 

Sur le même sujet, on lira l’article de Lucie Delaporte dans Médiapart

 

 

 

 

 

 

Celui de Guillaume Gendron dans Libération

 

 

 

 

 

et celui de François Krug et Philippe Gagnebet dans Le Monde

 

 

Enfin, Le Times, à Londres, a lui aussi consacré un article à Lagrasse et à ce qui s’y joue, sous la plume d’Adam Sage, son correspondant à Paris.

 

 

Une fois pour toutes : Ces articles sont réservés aux abonnés de ces médias. Leur citation ici ne se fait qu’à titre informatif.

Désolés.

Mais une des difficultés majeures de la presse, aujourd’hui, est le pillage des contenus. C’est très agaçant, parce qu’on s’est tous habitués à cette grande illusion de la gratuité (enfin, pas pour nos abonnements smartphones, Netflix, Canal, etc.), mais si nous ne sommes même pas capables de comprendre et de respecter ça, alors ce n’est pas la peine de se faire du souci pour le reste…

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