Retrobar lo Trobar

Il est indispensable d’apprendre à lire le Trobar pour le comprendre. On peut déplorer, aujourd’hui, en France, la pauvreté de l’enseignement dédié à la lyrique occitane des XIIe et XIIIe siècles.

Retrouver le Trobar peut s’entendre dans le cadre de séminaires ou stages ouverts à tout public et/ou à des publics spécialisés dans le cadre de la formation professionnelle (enseignants de Calandretas, par exemple).

Le Centre Culturel de Rencontres Les Arts de Lire pourrait intégrer dans son panel d’activités une formation à la lecture des troubadours dans une perspective d’ouverture aux formes de l’oralité les plus contemporaines.

Recherche et création

Mais l’étude du Trobar ne peut se concevoir séparée de l’acte de création. Le peu d’indications disponibles dans les manuscrits sur les manières de chanter un texte, pousse le chercheur à emprunter les chemins – toujours risqués – de l’invention. Retrouver le Trobar passe par une réappropriation. Il s’agit, une fois épuisée l’étude des sources, de le réinventer. La recherche est ici indissociable de la création (1).

Est donc envisageable, dans le cadre du CCR, l’organisation de masterclasses pour des musiciens désirant approfondir leur connaissance et leur pratique. Pour des publics plus jeunes, un éveil aux techniques instrumentales paraît aussi possible.

Gérard Zuchetto et son ensemble

Questionner le Trobar

La richesse des thèmes qui irriguent la poésie lyrique occitane offre une vaste diversité d’approches transdisciplinaires.

Les textes des troubadours relèvent d’une poésie subtile qui, si elle est invention lyrique, fait aussi appel aux savoirs et connaissances de leur temps. Les troubadours étaient des lettrés. Ils lisaient aussi bien la Bible que les philosophes alors connus de l’Antiquité. Leurs compositions baignent dans l’atmosphère intellectuelle médiévale. Elles n’échappent pas non plus à l’influence des courants spirituels de l’époque.

Le Trobar, parce qu’il fixe par l’écrit des codes sociaux en vigueur dans la société occitane médiévale et qu’il lui arrive de se mêler parfois aux jeux et enjeux politiques, peut s’étudier du point de vue des sciences humaines.

Les troubadours, dans leurs propres poèmes, parlent aussi de leurs techniques de composition (trobar ric, trobar clus etc.). Les textes constituent une source indispensable à la compréhension de l’art lui-même et de ses règles souvent complexes. Il convient de les étudier aussi dans ce sens.

Une ouverture au monde

A Lagrasse, l’étude du Trobar s’appuierait à l’évidence et prioritairement sur ses racines méridionales.

Mais la cartographie du Trobar ne se limite pas à un vaste territoire situé pour l’essentiel au sud de la Loire. On note des résurgences en Italie, au Portugal et sur l’ensemble du pourtour méditerranéen (Moyen-Orient notamment).

L’ouverture au monde passe aussi par l’Europe du Nord, l’Angleterre, l’Allemagne (Minnesänger) etc.

Il est possible d’envisager des rencontres musicales à l’échelle internationale (confrontations de pratiques d’interprétation, d’expériences créatrices, concerts).

Dans l’entrebesc du Trobar

Parce que l’image médiévale sous toutes ses formes (enluminure, fresque, sculpture romane) est une source importante qui renseigne sur l’art des troubadours, l’étude du Trobar peut s’insérer dans un programme d’étude et d’exploration des images au Moyen Age.

L’enchevêtrement si caractéristique des sculptures de la période n’est pas sans rappeler l’entrebesc, cet art subtil qui consiste à « lasser » les mots, les articuler les uns les autres selon des contraintes complexes dont raffolaient les troubadours les plus habiles.

 

(1) Le cursus de Gérard Zuchetto, à la fois chercheur et musicien, aussi bien instrumentiste que chanteur et compositeur, est exemplaire de cette démarche complémentaire.