Vendredi 12 août

 

¡ Vale !

Dans le premier épisode de ce Journal de Banquet, voici une semaine, j’évoquais le livre de Patrick Boucheron et Mathieu Riboulet, Nous sommes ici, nous rêvons d’ailleurs, et la magnifique préface de Christophe Pradeau, qui réussit là le saisissant exercice de faire entendre un peu de ce que nous fîmes tous ensemble, pendant ces vingt-cinq dernières années.

Il parle du sumbolon, cet anneau que deux amis qui se séparaient brisaient en deux et dont chacun conservait une des deux parties. « Il leur serait peut-être donné un jour, à eux ou à leurs descendants, de réunir les deux morceaux. »

L’hommage au Banquet, le plus parfait, le plus simple, c’est encore à Christophe Pradeau qu’on le doit :

« Du travail, du courage et de l’amitié, ce sont les qualités nécessaires pour bâtir un lieu comme le Banquet du Livre. C’est un lieu fait de pierres, tout à la fois fixe et mobile, fait d’espaces permanents et temporaires, qui n’en finit pas d’enjamber l’Orbieu, enraciné et nomade, réticulaire, à qui il est même arrivé de s’exiler jusqu’à Montpellier et même, une année où il était parti sur les traces de Rimbaud, jusqu’en Éthiopie. Les conférences, les lectures, les conversations, les rebonds ont été accueillis, selon les années, dans le petit cloître, sous la halle, dans le dortoir des moines, sous des chapiteaux dressés le long du cellier, sur les berges de la rivière, dans le gymnase municipal, dans les locaux de l’école primaire, à la terrasse des cafés, dans les ruines des remparts… C’est une création continuée, une demeure solidement bâtie, faite de splendides blocs de grès flammé, mais qui se disloquerait pourtant sans l’énergie, l’inventivité, la générosité de ceux qui en ont rêvé, de ceux qui le font vivre, de ceux qui dressent les tables, montent les chapiteaux, font et défont les cartons de livres, de ceux qui sont nés ici, de ceux qui sont venus s’y installer, de ceux qui chaque année reviennent, de ceux qui un jour s’y sont arrêtés mais qui, des années plus tard, s’en souviennent. »

Le premier âge de ce Banquet se termine. Une nouvelle aventure commence. Elle saura se dire. Et convier à Lagrasse de nouveaux visages, de nouvelles voix, pour offrir en partage des arts de lire renouvelés. Dans l’équipe de « ceux qui en ont rêvé, de ceux qui le font vivre » depuis tant d’années, certains vont s’écarter discrètement, comme au pied de l’Alpe-d‘Huez ou du Tourmalet les équipiers modèles, ceux qui ont mené le train pour amener au seuil du dernier effort les champions de légende. Leur boulot est terminé. Ceux-là garderont précieusement une partie du sumbolon au fond de leur poche. On ne sait jamais…

 

 

Jean-Michel Mariou