n° 84 : samedi 12 août 2017

restent nos vies inquiètes et nos élans joyeux...

EDITO

A quel chant en serons-nous, lorsque vous lirez ces lignes ? La lecture de L’Iliade a débuté à 22 heures précises vendredi soir. Elle devrait normalement se terminer, après le passage des quatre-vingt dix lecteurs, vers onze heures du matin. Peut-être un peu plus tôt, peut-être un peu plus tard.

A l’heure où nous mettons sous presse (la vie est belle, qui nous autorise à écrire ce genre de formule ! « L’aigle va fondre sur la vieille buse. – C’est chouette comme métaphore ! – C’est pas une métaphore, c’est une périphrase. – Oh fais pas chier ! – Ça, c’est une métaphore… » Michel Audiard, « Faut pas prendre les canards du Bon Dieu pour des canards sauvages »), à cette heure, donc, nous ne savons pas encore ce que sera réellement la nuit : glacée, venteuse, ou délicieusement douce. Ce que nous savons, c’est qu’elle sera pleine de fureur et de douleurs, de fracas des armes, de pleurs et d’espoirs mêlés, et que par dessus le sommeil des lagrassiens, sur les toits de tuiles, les terrasses clandestines, à travers les ramures des figuiers, des platanes de la Promenade, la sévère rectitude des cyprès, sur les pierres de la Tour de Plaisance, dans les jardins le long de la rivière, résonneront les vieilles passions des hommes, et un des plus beaux textes de la littérature mondiale…

Puis viendra avant midi, au soleil fort des fatigues, la dernière phrase du dernier chant :

Et c’est ainsi qu’ils accomplirent les funérailles d’Hektôr, dompteur de chevaux.

Et le Banquet sera fini…

22 heures : la lecture de l’Iliade débute sous le grand chapiteau bondé…

Les ateliers

Un des ateliers les plus courus a été, comme d’habitude, sous le préau de la cour de l’école de Lagrasse, celui de Dominique Larroque-Laborde autour de la littérature et la civilisation de la Grèce antique. Cette année, toute la semaine a été consacrée à L’Iliade et à ses chants, lecture de cette nuit oblige.

Ainsi, ce sont 90 lecteurs qui sont en train de se succéder pour porter le texte d’Homère. Nuit noire, nuit blanche.

Lire L’Iliade aujourd’hui parce que c’est le poème de la force, de la quête virile de gloire, de la guerre totale, mais aussi le poème du deuil, de la compassion, de l’humanité…

Cinéma

L’atelier cinéma sur le thème de la Révolution française, préparé par Jean-Louis Comolli, et animé depuis mardi par Jean Narboni et Jacques Comets, s’est achevé hier par un débat passionnant entre Jean-Claude Milner et Patrick Boucheron…

Chapô

Chaque jour, à 12 h 30, Mathieu Riboulet lit un texte original, écrit pour l’occasion, en ouverture de « L’histoire mondiale de Lagrasse » qu’anime Patrick Boucheron. Beaucoup de spectateurs de ce qui est un des rendez-vous les plus prisés du Banquet nous ont demandé de pouvoir relire ces textes, et Mathieu a accepté de nous les confier…

11 août

Passé le pont, les fantômes vinrent à ma rencontre. C’est ce que nous avons fait cette année : nous avons passé le pont, et nous sommes tous encore ici, mais les fantômes, il s’en trouve toujours, ne nous sont pas hostiles. Il n’y a que les hommes de pouvoir et les hommes d’église, les hommes habilités à jeter des ponts, pour penser que les fantômes sont des ennemis. Pour nous qui franchissons ces ponts, et ce faisant décidons de laisser venir les âmes errantes à notre rencontre, ce sont des présences apaisantes, ils sont notre devenir. Ils sont ailleurs, nous sommes ici, demain ce sera l’inverse, quelle importance ? Chaque jour des arbres tombent et des ponts sont coupés. Restent lumière, vent, pierres, sable et odeurs d’ici, lumière, vent, pierres, sable et odeurs d’ailleurs, restent nos vies inquiètes et nos élans joyeux. Nous vivons dans des ruines et avec des fantômes, des matières mortes, des matériaux vivants, des événements violents dont nous ne savons plus s’ils ont eu lieu ou non, et, restons pascaliens : nous ne sommes pas au présent ; mais si le présent est un lieu, où sommes-nous alors, puisqu’il nous est impossible d’être partout comme d’être nulle part ? Nous sommes là où notre présence fait advenir le monde, nous sommes pleins d’allant et de simples projets, nous sommes vivants, nous campons sur les rives et parlons aux fantômes, et quelque chose dans l’air, les histoires qu’on raconte, nous rend tout à la fois modestes et invincibles. Car notre besoin d’installer quelque part sur la terre ce que l’on a rêvé ne connaît pas de fin.

Mathieu Riboulet

 

Les interviews de la guinguette

Didier Daeninckx, après avoir exercé pendant douze ans le beau métier d’imprimeur, s’est jeté dans l’écriture comme dans une bagarre qu’on ne veut surtout pas perdre. Écrire, c’est d’abord témoigner pour les sans voix, et traquer les omissions de l’histoire officielle… Dans sa conférence du jour, il raconte l’étonnante histoire de l’hôpital psychiatrique de Saint Alban pendant la seconde guerre mondiale. (Entretien Antoine Beauchamp / Lina Mariou)

Une journée au Banquet

Chaque jour, un passant considérable nous raconte sa journée au Banquet. Aujourd’hui, Christophe Pradeau (Les Vingt-quatre Portes du jour et de la nuit, Verdier septembre 2017)

 

 

Réveillé à l’aube par les volets d’une maison voisine qui battent dans le vent, j’entreprends, à la lumière naissante du jour, de finir Le Stade de Wimbledon, dont j’avais commencé la lecture la semaine dernière, à l’occasion d’un court séjour en Vénétie Julienne. Le titre ne le dit aucunement mais il s’agit d’un livre sur Trieste, sa vie intellectuelle, les écrivains qui ont fait de cette ville des confins leur séjour. Je tourne la dernière page, referme Le Stade de Wimbledon, et je suis encore un peu à Trieste, malgré les bruits de couverts, sous mes fenêtres, des Ramblas, celles de Lagrasse, puisque je suis bien à Lagrasse et pas à Barcelone, pas plus que je ne suis à Trieste, en train de laisser mon regard dériver le long de la côte Adriatique, jusqu’à ce qu’il s’arrête, comme il avait pris l’habitude de le faire, sur le rocher en à-pic où s’élève le château de Duino, celui des élégies, de Rilke, celui de la famille Thurm und Taxis et des malles-poste. Il se trouve que Le Stade de Wimbledon est associé pour moi à Lagrasse, si intimement que je pense à l’Orbieu, au petit cloître, à la cour de l’abbé Auger, ses chauve-souris faisant cercle autour de son cèdre, dès lors que revient le temps des services-volées en tenue blanche immaculée sur les courts du All England Lawn Tennis and Croquet Club. Association incongrue, j’en conviens volontiers, mais qui s’explique. Il y a près de dix ans de cela, Gérard Bobillier m’avait proposé de présenter un écrivain de mon choix devant le public du Banquet d’été, d’inviter un écrivain, de préférence étranger, à venir dialoguer avec le public de Lagrasse. Mon choix s’était porté, pour toutes sortes de raisons, sur Daniele Del Giudice, l’auteur du Stade de Wimbledon, que je contactai bientôt, par l’intermédiaire de son traducteur, Jean-Paul Manganaro, qui eut la gentillesse de s’entremettre. Fidèle à sa réputation d’écrivain réticent à s’éloigner des ruelles de la Giudecca ou du Rialto, Daniele Del Giudice fit le mort. Puis il promit d’y réfléchir, réservant sa réponse, qu’il donnerait bientôt, très bientôt, un jour prochain… L’une des nombreuses conférences qui auraient pu être prononcées au Banquet, qui auraient pu figurer dans les archives que l’on projette à dix heures, dans l’ancienne Boulangerie des Moines. Le Banquet est aussi fait de cette écume : de projets inaboutis, d’idées impuissantes à se réaliser, mais qui en auront engendré d’autres, qui auront trouvé dans la nécessité du détour, du contournement, une vigueur nouvelle, une énergie qu’elles ne se soupçonnaient pas.

Lire la suite…

Le feuilleton de l'Iliade

Dominique Larroque-Laborde tient depuis hier matin son atelier de grec ancien, consacré cette année à la préparation de la lecture de l’Iliade, d’Homère, que des dizaines de lecteurs porteront en fin de Banquet, dans la nuit de vendredi à samedi… Chaque après-midi, Mélanie Traversier, elle, travaille en petits groupes avec ces lecteurs amateurs, répétant le texte, traquant les sens opportuns.

Antoine Beauchamp tient ici, en son seul, le feuilleton de cette aventure…

L'image de fin, et a l'an que ven...

Le Banquet d’été est fini ? La librairie « Le Nom de l’homme« , librairie permanente de la Maison du Banquet et des générations reste ouverte, elle, tous les jours jusqu’au 17 septembre…

SUIVEZ NOUS SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX…

  FACEBOOK : La Maison du Banquet et des générations / Le Banquet du Livre

  TWITTER : @Banquetdulivre

Gilles Hanus, pendant sa conférence de 16 heures

et Didier Daeninckx en fin d’après-midi…

ARCHIVES