Compagnies de Jean-Louis Comolli

Michèle Planel, éditrice.

 

Sur le mur d’images de la Maison du Banquet, Michèle Planel, Jean-Louis Comolli et leurs chapeaux…

Jean-Louis Comolli. Un homme fait de tous les hommes

« […] Toujours m’a aidé cette injonction que je me faisais à moi-même : observe, étudie, grave dans ta mémoire ce qui arrive – car demain, cela aura un autre aspect, demain déjà tu le percevras autrement –, retiens la manière dont cela se manifeste et agit. » Victor Klemperer

Au temps de sa maladie, nous nous appelions plusieurs fois par semaine, il était toujours plein d’allant, même au plus fort de la douleur, il affrontait la cruelle réalité sans l’édulcorer, avec l’élégance qu’on lui connaissait, son rire et l’autodérision de ses plaisanteries étaient communicatifs.

Même son pessimisme était joyeux ! Venus vraisemblablement de sa jeunesse en Algérie – très frontalement ou sensuellement abordés dans son roman Une terrasse en Algérie –, transparaissait de sa personnalité à la fois une blessure et un émerveillement devant la vie qui rappelait celui de Camus à Tipazza.

Il a vécu ces moments difficiles le dos à la mort, travaillant jusqu’aux dernières limites de ses forces – « La mort ne m’intéresse pas » disait aussi Henri Meschonnic dans pareille situation.

Une semaine avant sa disparition, il nous a remis un très beau texte (En attendant les beaux jours, que nous publierons en janvier prochain) et, avec sa sœur Annie qui vivait auprès de lui depuis le début de sa maladie, nous avons trinqué et dégusté un excellent vin blanc comme il les aimait, savait les choisir et les offrir.

J’admirais chez lui la cohérence de ses idées et de ses conduites, son naturel généreux d’où il tirait son énergie créatrice, cette façon de regarder et de porter au jour la vérité des êtres. Leur poésie (par exemple son film La Vraie Vie dans les bureaux) ou la nature de leur puissance malfaisante (un livre : Daech, le cinéma et la mort).

Le travail critique, la création, la politique, l’enseignement et le souci de soi marchaient chez lui d’un même pas.

Il avait résolument le goût du partage, de la réflexion commune soutenue par l’amitié – c’est pourquoi il fut, tout naturellement, depuis les débuts, de l’aventure du Banquet du livre.

Jean-Louis Comolli était un esprit libre, habité par un attachement jamais démenti depuis son premier film – La Cecilia, autour de ce groupe d’Italiens qui, au dix-neuvième siècle, partirent au Brésil fonder une communauté anarchiste – à la dimension utopique du destin de l’humanité. Il avait éminemment le goût du combat.

 

Michèle Planel

 

Chaque jour, nous proposerons également un extrait de vidéo qui permette de retrouver Jean-Louis Comolli, sa voix, ses engagements, ses colères, ses certitudes…
En 2013, lors d’un entretien à la télévision brésilienne, Jean-Louis Comolli revenait sur les notions clés de sa réflexion, la multiplication des images et la place du spectateur…