Compagnies de Jean-Louis Comolli

par Luce Rocamora, fidèle des ateliers de Jean-Louis

 

 

Jean-Louis Comolli, un fidèle compagnon de route du Banquet, un ami, vient de nous quitter. Il nous a laissé comme viatique une œuvre foisonnante, de précieuses leçons de cinéma et surtout de vie. Rendre compte de la densité et de la richesse des ateliers cinéma que Jean-Louis a conçus et animés pendant plus de dix ans est impossible en quelques lignes.

J’aimerais cependant évoquer le moment inoubliable où Jean-Louis Comolli, portant sa réflexion sur les images tournées lors de la libération du camp de Bergen Belsen, analysait le dispositif cinématographique qui a permis de montrer l’irreprésentable. Lors d’un atelier tout aussi intense, réalisé en collaboration avec Sylvie Lindeperg, ils analysaient les films de la propagande nazie sur les camps de Terezin et de Westerbork. Il est ainsi des moments qui dessillent durablement

Jean-Louis Comolli nous a permis de découvrir, de voir et de revoir un cinéma exigeant. Il faisait confiance à l’intelligence du spectateur qu’il pensait capable de le suivre sur des chemins ardus parfois jusqu’aux limites de l’extrême (atelier Daesh, le cinéma et la mort).

La rigueur, l’austérité de son approche théorique, sa pensée toujours politique sans complaisance étaient portées par une personnalité généreuse, solaire, gourmande de la vie. C’est cette alchimie qui faisait que le savoir pouvait se transmettre.

Revisiter, pas à pas, avec lui Pasolini, Godard, Rithy Panh, Robert Kramer, Pedro Costa, découvrir Carmelo Bene et tant d’autres classiques de l’histoire du cinéma, cela a été une traversée qui nourrit encore mon imaginaire. Si, par un mauvais tour de ma mémoire, je venais à oublier tous ces cinéastes remarquables, il me resterait ce que le travail documentaire et l’enseignement de Jean-Louis Comolli ont montré : un respect infini et une dignité accordés à la personne filmée. Il a écrit : « Ce qui circule entre les images et les regards est affaire de morale »

C’est avec respect qu’il donnait la parole et écoutait une employée de bureau (La vraie vie dans les bureaux) ou le célèbre historien Carlo Ginzburg (L’affaire Sofri) ou bien encore des hommes politiques marseillais (Marseille contre Marseille). Ne pas provoquer le rire aux dépens de la personne filmée, ce principe, il l’appliquait même lorsqu’il s’agissait « de filmer l’ennemi ».

La simplicité et la générosité de Jean-Louis Comolli ont fait qu’une amitié a pu naître. A notre table, Jean-Louis fût un convive merveilleux, il savourait les plats simples d’une cuisine méditerranéenne qui faisait lien avec nos origines communes. Son rire magnifique résonnera longtemps en moi, en nous.

Luce Rocamora

Sous le nom de plume Luce Rostoll, elle est l’auteure de

SNP, Sans Nom Patronymique, éd. Ar’Art Atelier, 2019 (roman).

L’Algérie à l’ombre de Maria, éd. Loubatières, 2008 (récit).

 

Chaque jour, nous proposerons également un extrait de vidéo qui permette de retrouver Jean-Louis Comolli, sa voix, ses engagements, ses colères, ses certitudes…
En 2018, sur TV5Monde, Jean-Louis Comolli revenait sur l’Algérie où il naquit, à l’occasion de la parution de son livre, Une Terrasse en Algérie