Compagnies de Jean-Louis Comolli

par Claire Simon, cinéaste

 

 

La première fois que j’ai  vu Jean Louis Comolli, j’avais 20 ans. Il m’avait soutenue pour mon premier court métrage, et moi je râlais des difficultés que je rencontrais, j’ai vu dans ses yeux qu’il trouvait ça comique.

Puis au fil du temps et des lectures, ce fut toujours une référence joyeuse, et clairvoyante. Lorsque nous avons fondé Addoc l’association des documentaristes, nos travaux n’étaient que discussions acharnées et fondatrices sur notre travail, et Jean Louis se mêlait à nous et c’était de véritables joutes oratoires passionnantes sur la parole au cinéma par exemple.

Jean Louis était très généreux, et il cherchait toujours un territoire de pensée. Après son passage aux Cahiers du cinéma et ses films de fiction, il découvrit le cinéma documentaire comme un monde négligé, prêt à être défriché, un monde pour les pionniers comme l’avait été l’idée de l’auteur pour les critiques cinéastes des années 60 aux cahiers du Cinéma ; ce fut cela pour  lui il me semble …

Ses textes théoriques sont passionnants, et je me souviens surtout des séances aux Ateliers Varan, où il m’avait confié qu’il répétait des parties de son livre Voir et Pouvoir. C’est à dire qu’il défilait tout le raisonnement pour voir s’il tenait sa route ou s’il allait bifurquer ailleurs. C’était extrêmement impressionnant. On le voyait cheminer dans sa pensée faite de phrases admirables dont je n’arrivais pas à croire qu’il les improvisait… Pas un papier, pas une note… Les phrases se déroulaient et nous révélaient le monde, le cinéma.

Il s’agissait d’une transe sans doute, celle dont parle Jean Rouch…

 

Claire Simon