Ces livres sont nos témoins

Maryse Mahmoudian Renard

 

 

 

Maryse Mahmoudian, linguiste et poétesse franco-suisse, est une fidèle du Banquet depuis la toute première édition. Elle vit une partie de l’année en Suisse, et l’autre à Lagrasse. Elle a publié, sous la signature de Maryse Renard, plusieurs recueils de poèmes…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le premier Banquet du Livre. Le thème était La vigne et le Vin, et les réunions avaient lieu dans la cour de ce qui était encore la cave coopérative. Le vin et les religions, juive, chrétienne, l’islam, et la culture grecque. Une  parole partagée, possible.  Pierre Lory, Alchimie et mystique en terre d’Islam. Un livre, un auteur dont j’avais besoin pour poursuivre le chemin vers la grande poésie persane.

(Le livre serré sur le coeur, j’allais pleine de joie, dansant presque, un homme que je ne connaissais pas, qui ne me connaissait pas s’est arrêté étonné, m’a regardée. C’était Gérard Bobillier.)

La Grande Beune, un titre et revient l’image de Pierre Michon, son visage, sa présence discrète, réservée, seul et accessible. Lire avec le sentiment de suivre quelqu’un dans un paysage, une présence au monde rendue par une langue elle-même le chemin,  pas un récit à suivre jusqu’à une fin, mais vivre un temps qui change le jour.

Événement :  deux ateliers d’écriture avec François Bon et Hervé Piekarski. Le premier, très connu bien sûr, ses ouvrages suivis. Prose. Le second totalement inconnu de moi. Écrire c’est prendre possession de la langue, aller chercher le sens profond des mots différent pour chacun d’entre nous : Eau, par exemple. J’étais arrivée après intense réflexion à : « eau, c’est du silence dans la bouche. » Hervé avait apprécié. Je pouvais donc écrire quelque chose de bien !  Une précieuse prise de conscience de comment la langue commune  restreint notre regard. Le Gel à bord du Titanic.  (Dédicace : « En souvenir de ce qui nous a réunis à Lagrasse cette première et pour moi formidable semaine d’août 1995. »)

Ce n’était pas un atelier d’écriture mais une présentation de l’œuvre de Lévinas. De la philosophie, présentation et discussion. Autrement qu’être. Pour dire la richesse des découvertes qu’offrait le Banquet.

Dans la cour du château de Castries, rencontrer Michèle Desbordes, parlé longuement de La Demande. Livre lu d’une seule traite comme La Grande Beune. Le silence avec les mots. Le non-dit qui est le sens même. Des années plus tard, une visite imprévue au Clos-Lucé près d’Amboise et La Demande a surgi dans ce cadre, celui du livre, de la rencontre et à peine un sourire entre Léonard de Vinci et la servante si discrète. Une mort retenue.

Serge Pey. Pour dire la vérité une première « rencontre » avec Serge Pey ne m’avait guère séduite et je suis venue l’écouter pour confirmer un premier jugement. Mathématique générale de l’infini. À la réflexion, ses interventions surprenantes disent beaucoup sur la langue. Il m’a conseillé de lire saint Jean et ses textes courts.

Un contact avec l’auteur, et le livre devient plus proche, entre lui-même dans une histoire.

Une anecdote ? Echenoz lors d’un premier Banquet à qui je disais combien j’aimais L’occupation des sols m’a dit avec un peu d’étonnement  : mais c’est une carte postale ! J’ai pensé qu’il n’était pas capable de juger cette œuvre. Sourire.

Pascal Quignard. Villa Amalia. J’ai pu lui raconter, au petit cloître, que j’avais laissé ce livre dans une grande maison iranienne allant vers la ruine chez un homme d’un autre Iran, Dariush Naraghi, un poète qui n’a pas laissé d’oeuvre,

et Patrick Boucheron, l’histoire ouverte au-delà d’un seul regard…

Il s’agit bien n’est-ce pas de vivre ensemble, partager un savoir ?

 

Ces livres sont nos témoins

Manuel Muller

 

 

Manuel Muller enseigne le français en Lorraine. Fidèle du Banquet depuis 2014, c’est son intérêt pour la littérature contemporaine, en particulier les Éditions Verdier, qui est à l’origine de son expérience lagrassienne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Matin des origines, Pierre Bergounioux, Verdier, 1992

Sur la « douce déraison des origines », dont Bergounioux nous entretient dans nombre de ses livres, en écho à sa conférence sur les générations donnée au Banquet en 2012 (découverte virtuellement, sur YouTube).
La première fois que j’ai vu le nom de Lagrasse, sur la première de couverture. J’ignorais encore à peu près tout de l’histoire de Verdier, mais le nom du village, le code postal, leurs promesses bucoliques, m’avaient intrigué. Un mélange de simplicité et d’extrême exigence que je retrouverais au Banquet.
A vrai dire, je ne suis même pas sûr que ce soit ce livre de Bergounioux (peut-être son pendant, Le Chevron ?), mais il me plaît d’imaginer que mon histoire avec le Banquet a débuté avec ce livre.

 

Entre les deux il n’y a rien, Mathieu Riboulet, Verdier, 2015 

Pour l’immense privilège d’avoir pu entendre Mathieu Riboulet lire de larges extraits du texte. Souvenir d’un texte et d’une lecture incroyablement maîtrisés.
J’ai longtemps, sottement, soupçonné la transitivité de la littérature de faire des concessions à la langue. Ce livre, mais aussi les discussions avec des habitués du Banquet, m’auront convaincu que je faisais fausse route.

 

La puissance du détail, Jean-Claude Milner, Grasset, 2014

Pour l’immense privilège d’avoir pu assister au séminaire donné par Jean-Claude Milner à propos de cet ouvrage lors du Banquet de 2015. Pour son côté profondément dérangeant, au bon sens du terme.

 

Visiter le Flurkistan, Camille de Toledo, P.U.F., 2008

En écho à sa conférence donnée à Lagrasse en 2017 intitulée « accueillir l’aventure », cet essai en réaction au manifeste pour une littérature-monde. Pour cette capacité à nulle autre pareille de saisir les vertiges du contemporain.

 

Ces livres sont nos témoins, Maison du Banquet et des générations, 2021

« Car sa valeur est inappréciable ». (Oui, je lis aussi les colophons !)